Archives mensuelles : septembre 2007

Euthanasie : ils ne savent plus quoi inventer…

Ils ne savent plus quoi inventer. Ils entretiennent la confusion, pour faire avancer leurs idées. Alors que l’Eglise, par la voix de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, vient de rappeler, à la mi-septembre, sa position sur l’euthanasie – maintien de l’alimentation d’une personne en état végétatif, ce qui est nettement distinct de l’acharnement thérapeutique – un journal chrétien (de gauche) italien, MicroMega, affirme que Jean-Paul II a été euthanasié. Rien de moins. Sans preuve, sans indice même. En faisant parler un médecin qui n’a jamais approché le défunt pape au cours de son agonie. Oui, ils ne savent plus quoi inventer…

« Laissez-moi aller au Père », aurait dit Jean-Paul II au cours des derniers moments de sa vie. Aujourd’hui, il pourrait aussi dire : « laissez moi tranquille avec vos polémiques de boutiquiers ». Boutiquiers qui pratiquent volontairement l’amalgame entre l’acharnement thérapeutique, l’euthanasie, les soins des personnes dans le coma. Or affirmer que le pape a été euthanasié est trompeur : cela signifierait qu’un produit létal lui a été injecté, ce qui est invraisemblable. La thèse est d’ailleurs autre : on assure que l’entourage du pape a cessé de le nourrir. Le Vatican, qui est le mieux placé pour en parler, répond avec sérénité par la négative. D’ailleurs, après avoir dénoncé la « culture de mort » pendant des années, comment est-il imaginable que Jean-Paul II ait autorisé un tel reniement?

Oui, ils ne savent plus quoi inventer pour imposer dans les esprits leur culture de mort. Calomniez, il en restera toujours quelque chose. Trouver des preuves? Mais non, ça ne sert à rien! Il suffit de balancer l’info, que l’ensemble de la presse mondiale s’empressera de reprendre : le but est atteint. Il est clair : montrer que l’Eglise fait ce qu’elle interdit aux autres. « Il est inacceptable de les interrompre (l’alimentation et l’hydratation, NDC) ou de ne pas les administrer, précisait le 15 septembre le document de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui avait été interrogée par l’église américaine sur le cas de l’emblématique Terri Schiavo. Si une telle décision doit entraîner la mort du patient, on est alors en présence d’une euthanasie par omission. » Le piège est tendu : « Le traitement médical reçu par le pape Jean Paul II dans les dernières semaines de sa vie constitue, selon les critères établis par l’Eglise catholique elle-même, un authentique acte d’euthanasie », scande l’auteur de l’article polémique, Lina Pavanelli, médecin-anesthésiste et professeur à l’université de Ferrare. Que Jean-Paul II ait été euthanasié ou non, ils s’en moquent. Ce qui compte, c’est de discréditer le Vatican. De le placer, aux yeux du public, devant ses contradictions apparentes. De lui refuser la légitimité de s’exprimer sur ces sujets. Mais si les religions n’évoquent plus ces sujets, n’ont pas le courage de donner leur opinion, de montrer aux hommes le chemin qu’elles estiment bon, à quoi servent-elles?

La position du Vatican est ce qu’elle est, chacun en pense ce qu’il veut. Il est cependant bon de la rappeler, pour qu’on sache de quoi on parle :

– on ne peut pas injecter un produit dans l’intention d’abréger la vie (potassium…) : c’est un meurtre pur et simple.
– on ne peut interrompre l’alimentation et l’hydratation (dans le cas de ceux qui restent dans le coma, par exemple, ce qui serait une euthanaise dite passive)
– on peut interrompre les soins manifestement disproportionnés par rapport à l’effet qu’on peut en attendre. C’est la condamnation de l’acharnement thérapeutique.
– on peut procéder à des soins ayant pour but de soigner le mal ou la douleur, même si on sait par ailleurs que ce produit peut provoquer la mort (qui n’est pas le but recherché). Ici, c’est l’intention dans lequel le produit est administré qui est importante.

P.S. : Le Monde a la palme de la mauvaise foi sur cette affaire : le quotidien du soir, soi-disant de référence, a accompli l’exploit d’évoquer le sujet sans même citer la version du Vatican. Pas mal, le principe du contradictoire!

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Mais au fait, c’est quoi un chafouin?

Poursuivant sa tournée d’interviews de « blogueurs » politiques – je n’aime pas trop l’expression, car elle laisse à penser qu’on se prend un peu au sérieux, là où il est évident qu’on est et qu’on restera amateurs – Blomig d’Expression Libre a eu l’amabilité de me proposer un questionnaire sur ce blog, son origine, son but, et quelques questions d’ordre politique ou religieux. Sur l’actualité, l’état du PS…

Vous pouvez trouver cette « interview » ici. Comme en plus, j’ai eu l’outrecuidance de ne point proposer de rubrique « à propos » sur ce blog… Merci encore à Blomig!

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Sarkozy va-t-il nous cocufier au sujet de l’adhésion de la Turquie?

On s’en souvient : après s’être déclaré, par pur opportunisme politique, opposé à la fusion entre GDF et Suez, Nicolas Sarkozy a changé d’avis une fois arrivé au pouvoir. Après tout, pourquoi pas : ce refus ne semblait pas issu d’une conviction profonde du ministre des Finances de l’époque, mais plus d’une querelle politique avec la Chiraquie.

On ne peut malheureusement pas en dire autant au sujet de l’épineuse question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Sarkozy l’a dit et redit. « Si la Turquie était européenne, ça se saurait », fanfaronnait-il en 2004, à quelques mois du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen. On croyait entendre un cri du coeur. Mais peut-être aussi, une danse du ventre à destination des électeurs villiéristes et frontistes. Partisan, avant et pendant la campagne présidentielle, d’un partenariat privilégié avec l’Etat turc, Sarkozy l’a répété l’autre soir sur TF1 : « Je ne crois pas que la Turquie ait sa place en Europe, et pour une raison simple, c’est qu’elle est en Asie mineure ».

Argumentation certes un peu courte. Mais qui a le mérite apparent de trancher définitivement la question. Sauf que le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner n’a de cesse de répéter de son côté qu’il milite farouchement pour l’entrée de la Turquie en Europe. « Je suis un partisan de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, après de longues discussions et beaucoup de conditions posées », a-t-il déclaré mercredi sur France-Inter, rappelant que Nicolas Sarkozy de son côté, y était opposé, préférant un « partenariat privilégié ». Rappelant également qu’il ne pensait pas être « étranger » aux récentes « inflexions » du président sur le sujet. Inflexions? On croyait avoir entendu le fringuant Martinon (également porte-parole de l’Elysée) affirmer, confirmer, assurer que Sarkozy n’avait « pas changé » là-dessus. Surtout pas avant les municipales, hein?

Il faudrait avoir une foi aveugle pour le croire. Il faudrait être autruche. Sarkozy, qui n’a pas hésité à renvoyer Fillon à ses études lorsque celui-ci en avait trop dit au sujet des régimes spéciaux, Sarkozy, qui sèche tout ministre s’exprimant en marge de la ligne officielle, laisse dire, laisse faire Kouchner. Attend de voir. N’a-t-il pas proposé à ses partenaires européens de charger un « comité des sages » de se pencher sur la question des frontières de l’Union? Voilà qui est peu rassurant, un comité.

Et puis dans le même temps, Sarkozy a commis un autre oubli regrettable : il n’a pas désavoué son ministre des Affaires européennes, lorsque celui-ci a proposé, devant la commission Balladur (chargée de réformer les institutions), la suppression de l’article 88-5 de notre constitution, qui oblige la France à organiser un référendum pour valider toute nouvelle adhésion à l’Union. Oubli, vraiment? Quel but poursuit exactement Jean-Pierre Jouyet? Là aussi, Sarkozy laisse faire, alors que c’est lui qui le premier, a observé en septembre 2004 qu’ « une décision aussi importante ne pourrait être prise qu’après qu’il y ait eu un référendum en France pour connaître l’opinion des Français ». A l’époque, c’est vrai, il s’agissait surtout de tacler Chirac.

Et puis il y a eu l’épisode du 27 août dernier, où lors de sa déclaration de politique étrangère, Nicolas Sarkozy avait lâché qu’il ne s’opposait pas à l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation entre l’UE et Ankara. Accepte-t-on de négocier le prix d’un scooter si on ne veut pas le vendre?

On comprend que dans l’esprit des néocons, dont Kouchner fait assurément partie, l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne représente un pas de plus vers l’unification du monde, vers l’extension du pseudo « monde libre ». Ces gens se moquent de l’Europe politique, dont ils ne veulent surtout pas : ce qu’ils désirent, avec ardeur, c’est l’abolition des frontières, un marché commun le plus large possible. L’ancrage à l’Union d’un pays d’Islam, c’est un prétexte, une fausse raison. Et une argumentation bidon : pourquoi pas le Maroc et l’Indonésie, dans ces conditions?

On pensait naïvement que Nicolas Sarkozy exprimait une conviction forte en estimant qu’on devait aller plus loin dans l’Europe politique avant de penser à intégrer d’autres Etats. Qu’il était sincère. Il y a désormais fort à parier que notre candeur se soit fourvoyée, et qu’on se trouve finalement cocufié. Sarkozy, comme on l’a toujours dit ici, est dans la pure lignée de Chirac. Les promesses électorales n’egagent que ceux qui y croient, non?

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Est-il satisfaisant que l’avortement devienne une méthode de contraception?

Comment dire. Comment aborder ce sujet sans heurter, sans déclencher une levée de boucliers. Comment arriver à se faire comprendre sans se faire fasciser d’emblée. Comment réussir à entamer un débat serein, comment se faire écouter de l’autre. Comment, enfin, évoquer le sujet en évitant toute condamnation, toute criminalisation, tout amalgame.

En ce qui concerne la question douloureuse de l’avortement, la dernière palme d’or du festival de Cannes, 4 mois, 3 semaines et 2 jours, réussit ce pari d’aborder le sujet de front, sans concession. De manière crue et hyperréaliste,  Cristian Mungiu raconte l’histoire de ces deux étudiantes roumaines, qui organisent un avortement clandestin en 1987, alors que la dictature de Ceaucescu est toujours présente.
Vous pourrez sortir de ce film indifférent. Ou avec une barre dans l’estomac, et des réflexions à la pelle qui encombreront votre esprit. La vision du foetus de quatre mois, sur lequel la caméra s’attarde, et dont on aperçoit distinctement le visage, les bras, les mains. La volonté absolue de la mère de « l’enterrer », qui peut laisser penser qu’elle ne se fait pas d’illusion sur ce qu’elle vient de faire. Le tout sans jugement, sans prise de position.
Prudent, Cristian Mungiu ne nous montre pas l’avant. Ne nous explique pas d’où vient l’enfant, où est le père, ni les raisons du choix de la trop jeune maman. Quand le film commence, l’action est déjà lancée. L’avortement irrémédiable. L’après, lui, se résume à cette phrase lancée par son amie : « Désormais, nous ne parlerons plus de tout cela. Plus jamais. »

Comme si le fait d’en parler pouvait permettre le remords. Comme si y réfléchir reviendrait à se déjuger après coup. Ou tout simplement, comme si l’évoquer était trop difficile, trop douloureux en soi.

En France, trente ans après la dépénalisation de l’IVG, il serait pourtant bon d’en parler. Publiquement. De s’interroger, de se poser des questions. La dernière fois qu’un débat public s’est tenu dans notre pays à ce sujet, c’était en 2001 (loi Aubry) lorsque l’assemblée nationale a décidé de prolonger le délai légal – pendant lequel un avortement est autorisé – de dix à douze semaines.

Profondément ému, tout comme moi, par ce film, Criticus propose un débat, sur le thème : quel bilan peut-on faire de la pratique de l’avortement en France?

A cet égard, les statistiques de l’IVG en France sont relativement inquiétantes. En 2002, selon l’Ined (institut national d’études démographiques), 134 797 avortements ont été pratiqués. Un chiffre vraisemblablement sous-évalué selon l’Ined. Mais même ainsi, cela reviendrait à 370 avortements par jour. Si l’on farfouille dans les stats de l’Ined, on s’aperçoit que sur ces 134 797 IVG,, 70% seulement sont pratiqués chez des femmes qui n’y ont jamais eu recours. 20% pour une deuxième fois, 1% pour une quatrième fois, et 0,01% (22 cas, tout de même…) pour la case « neuvième fois et plus ». Comment peut-on avorter neuf fois, ou plus?

Le but de la loi Veil de1975 était, semble-t-il, de limiter les cas. Son ambition, d’en faire une exception. L’expérience montre que l’IVG s’est au contraire banalisée, comme le montrent plusieurs études qui sont téléchargeables sur le site de l’Ined. Comme si on l’utilisait comme une méthode de contraception, en quelque sorte. En 1997 (dernière statistiques connues et fiables), près de 164 000 avortements ont été pratiqués, ce qui représente 22,5 IVG pour 100 naissances viables. 450 avortements par jour, sans compter les IVG pratiquées dans des pays limitrophes, dont la législation est parfois plus souple, est-ce bien raisonnable? Est-ce toujours exceptionnel?

Face à ce constat dramatique (qui pourra prétendre, qu’on soit pour ou contre le droit à avorter, que l’IVG est quelque chose de banal?), difficile d’apporter une réponse globale. Poser la question, comme Criticus, de savoir s’il y a trop d’avortements dans notre pays montre clairement qu’avorter est un problème. Mais pour lui, comme pour d’autres, l’IVG légal est un moindre mal par rapport à l’avortement clandestin.
La question peut difficilement recevoir une réponse globale. Je me contenterai donc de quelques interrogations jetées en guise de pistes de réflexion, pour ouvrir le débat dans les commentaires.

– Pourquoi un embryon est-il un être humain dans certains pays et pas dans d’autres?
– Pourquoi est-il illégitime d’avorter en France à treize semaines, alors que c’est possible dans d’autres pays?
– Ce qui pose la question suivante : pourquoi le seuil d’humanité est-il fixé par le parlement? S’appuient-ils sur une idéologie, ou sur des avis d’experts qui disent quand la « chose » devient un enfant? Dans ce cas, pourquoi les experts ne sont-ils pas d’accord selon les pays? Est-ce intellectuellement satisfaisant?
– Pourquoi envisage-t-on toujours la question sous le seul angle de la souffrance de la mère, sans jamais se poser la question du statut de l’embryon, justement?
– Pourquoi, s’il n’y a pas de culpabilité à avoir, les IVG sont souvent la cause de profondes souffrances?
– Pourquoi peut-on avorter d’un enfant trisomique presque jusqu’au terme de la grossesse?
– Pourquoi accepte-t-on, si cela doit rester une exception, que certains couples décident d’avorter parce qu’ils ne sont pas satisfaits du sexe de l’enfant?

Au final, pourquoi se poser la question des dérives de l’IVG, si de toutes façons celle-ci est-elle légitime? Pourquoi l’avortement de masse serait-il plus contestable que l’exception?
Lire également l’analyse de Criticus.

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Le cannabis doit-il être légalisé au mépris de la santé publique?

Malgré les études qui s’enchaînent, les unes après les autres, pour démontrer la nocivité du cannabis et les risques d’une consommation excessive, ils sont encore nombreux à prôner la légalisation de cette soi-disant « drogue douce ». Au mépris de la santé publique, qui devrait pourtant présider à ce genre de réflexion.

Les uns, tels Malakine, évoquent l’intérêt économique de la légalisation. Outre ses propos extravagants – Malakine parle des peines « délirantes » (SIC) risquées par les consommateurs et évoque le chiffre de « quatre millions de Français risquant la prison », ce qui témoigne d’un flagrant déni de réalité – l’intérêt de cet article, et son caractère emblématique, réside dans le fait que pour son auteur, il faut mettre de côté l’argument de la santé publique pour se concentrer uniquement sur l’angle juridique et économique : « L’OFDT (observatoire français des drogues et toxycomanies) évalue le chiffre d’affaires généré par la consommation de cannabis entre 750 et 900 millions d’Euros. Aujourd’hui, cet argent alimente l’économie souterraine avec les conséquences que l’on sait, notamment dans les banlieues. C’est une perte de ressources fiscales pour l’Etat en même temps qu’un encouragement pour les jeunes à faire carrière dans la délinquance. » Et puis, si on légalise, on gagne des emplois de tenanciers de coffee-shops, ose Malakine…

Si l’on suit bien le raisonnement global, il faudrait autoriser les gens à conduire sans ceinture. Et si l’on s’en tient à ce seul argument, on pourrait tout aussi bien dépénaliser, voire légaliser, l’usage de la cocaïne, de l’héroïne, de l’ecstasy, du LSD…

Mais Malakine poursuit, imperturbable, en évoquant la distorsion entre la sévérité de la pénalisation et la banalisation du cannabis : « Des jeunes qui se font interpeller parce qu’ils fument un joint ou qui se font condamner parce que la police a trouvé quelques grammes de shit sur eux (ça arrive) ne peuvent que développer une haine de la police, de la justice, de la loi, et finalement de la République ! La loi serait beaucoup mieux acceptée et respectée si elle ne visait que les comportements particuliers réellement à risque, telle la conduite sous « ivresse cannabique » ou l’incitation à la consommation. »

La loi n’est pas respectée? Abrogeons-la! A vrai dire, on a du mal à avoir de la peine pour quelqu’un qui viole la loi et conçoit, une fois la sanction reçue, une « haine de la République ». Quand on brûle un feu rouge, on ne peut se plaindre de perdre des points. D’autant que contrairement à ce qu’on laisse croire, les simples consommateurs (tant qu’aucun trafic n’est démontré) ne risquent absolument rien – sauf rares exceptions? – de la police ni de la Justice, qui a vraiment autre chose à faire que sanctionner la fumette. Combattre les trafics, à la manière de la lutte contre le proxénétisme et non contre la prostitution, n’est-il pas plus efficace, à défaut d’être cohérent?

Le deuxième grand argument pour la dépénalisation du cannabis, quant à lui, est moins intéressant mais beaucoup plus fréquemment utilisé : une telle mesure permettrait de favoriser la prévention. Première nouvelle? Dominique Voynet elle-même, dans une interview publiée cet été par Libé, tient des propos qui laissent rêveur : « Si le cannabis était considéré comme une drogue légale, au même titre que l’alcool ou le tabac, on pourrait avertir plus clairement sur les dangers, les problèmes respiratoires par exemple, ou dire : «Attention, si vous êtes fragiles psychologiquement, vous êtes plus exposés à des troubles en fumant un joint.»  »

Il est regrettable que les messages de ce type ne soient pas suffisamment relayés, notamment par des campagnes massives de prévention. Mais d’une part, il faut vivre dans le fond d’une grotte pour ignorer les dangers du cannabis. Et d’autre part, il faudrait m’expliquer en quoi une dépénalisation permettrait en tant que telle une plus grande prévention.

Début août, deux études ont été publiées, qui ont incité à la fois Libération (cf. l’appel du 18 joint), le quotidien britannique The Independent et son confrère médical The Lancet à retourner leur veste sur le cannabis. C’est-à-dire, à enfin admettre les risques encourus par une consommation régulière de cannabis. La première a été justement publiée, le 26 juillet, par The Lancet, et conclut à une aggravation par le cannabis des risques de troubles psychotiques. La seconde, menée en Nouvelle-Zélande et publiée par la revue Thorax, affirme que «fumer un seul joint de cannabis a les mêmes effets sur les poumons que fumer 2,5 à 5 cigarettes d’un coup». Bigre.

Dans ces conditions, comment peut-on oser réclamer une dépénalisation? Comment peut-on demander à l’Etat de fermer les yeux sur les dégâts causés par cette drogue? Un joint de temps à autre ne doit pas faire de mal, c’est entendu. Non plus qu’une ivresse épisodique. Mais la consommation excessive, elle, est dangereuse. Ceux qui fument toute la journée sont réduits, et c’est bien malheureux, à l’état de larves sans volonté et sans espoir d’avenir. L’Etat ne prendrait-il pas une part de responsabilité dans ces dommages en autorisant les citoyens à s’auto-détruire?

La législation actuelle, aussi schyzophrénique qu’elle soit en prévoyant pour la simple consommation des peines de prison jamais requises, a donc une application qui semble équilibrée : on punit sévèrement le gros trafic, on traque par-ci par-là les petits dealers, et on laisse tranquille le consommateur, puisqu’on sait qu’on ne peut courir deux lièvres à la fois. Ce qui n’empêche pas les légitimes critiques sur les carences de l’Etat en matière de politique publique de prévention.

NDLC : le sondage mis en ligne depuis la mi-août n’est certes absolument pas représentatif mais a fourni les résultats suivants : sur les 43 personnes ayant répondu, 27,9% (12 personnes) estiment qu’on doit « maintenir la législation en l’état, car elle laisse les consommateurs tranquilles tout en punissant les gros dealers », 16,27% (7 personnes) qu’il faut « la rendre plus répressive encore », 16,27% (7 personnes) qu’elle « n’accorde pas de place suffisante à la prévention », 25,58% (11 personnes) qu’il faudrait « dépénaliser pour contrôler la qualité de la marchandise », et 13,95% (6 personnes) qu’il faut « légaliser pour avoir un coffee en bas de chez soi ».

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Embryons mi-homme, mi-vache : si Dieu n’existe pas tout est permis

Bientôt, on nous collera des gênes de mouche pour voir à 180°C. Vous verrez. Après dix mois de réflexion, et un refus initial du gouvernement Blair, la très sérieuse agence de biomédecine britannique (HFEA comme Human fertilisation and embryology authority) vient d’autoriser deux laboratoires à produire des embryons hybrides, des « cybrides », créés à partir d’une cellule humaine et d’un ovocyte de vache ». La Grande-Bretagne emboîte donc le pas à la Chine, qui a autorisé la création d’embryons hybrides en 2003. On n’arrête pas le progrès, n’est-ce pas?

Les sorciers sont donc aux manettes. Comment ça marche, au fait? Rassurons-nous d’emblée, il n’est pas question de croiser un humain et un animal. On a évité le pire. Le principe reste cependant monstrueux. Il consiste à passer outre le faible rendement du clonage d’embryons (autorisé en GB) chez l’homme, en appelant à l’aide le monde animal. Selon le Figaro, « le principe de ces cybrides est d’obtenir un embryon « humain » selon le principe du clonage, mais en injectant le noyau d’une cellule humaine non pas dans un ovocyte féminin (difficile à obtenir) mais dans un ovocyte prélevé chez l’animal (de recueil plus aisé). À partir de ces embryons cybrides, des lignées de cellules souches peuvent être cultivées. »

On parle de vache, mais aussi de brebis, de lapine… Avec en ligne de mire le sempiternel objectif : faire avancer la recherche sur des traitements contre des maladies telles qu’Alzheimer. Un prétexte pour faire passer la pilule?

Une condition est tout de même posée par l’agence de biomédecine : détruire l’embryon quatorze jours au plus tard après sa création. C’est à n’y rien comprendre, cette contradiction. Car soit l’embryon est une chose, un objet, et dans ce cas on se demande bien pourquoi on n’ouvre pas toutes les vannes. Pourquoi on n’autorise pas toutes les recherches, toutes les manipulations possibles et imaginables. Soit ce n’est pas un objet mais un être humain, ou du moins un être humain en puissance, comme le bourgeon vis à vis de la fleur. Et dans ce cas, pas touche!

Ces recherches sont d’autant plus étonnantes que, comme on le lit dans le Figaro sous la plume de Jean-Michel Bader, « la création de cellules souches à partir de cellules normales semble à portée de main : ce qui rendrait obsolète l’utilisation d’embryons ». Libération, de son côté ignore ce genre d’argument. Le journal de Laurent Joffrin préfère aborder l’intérêt commercial de telles recherches : « Pour l’opinion publique britannique, le pas franchi n’est finalement pas si grand. Le pays où est né le premier bébé FIV a autorisé de longue date la recherche sur des embryons fécondés in vitro et non utilisés (interdite en France, sauf dérogation), puis la création d’embryons humains pour la recherche, puis, plus récemment, la création d’embryon humains par clonage – toutes choses proscrites dans l’Hexagone… Londres entend ainsi rester en tête des pays les plus avancés dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires, dites si prometteuses. »

Sous-entendu : qu’ont-ils à nous casser les pieds avec leur bioéthique, ces ringards de Français, alors que les intelligents anglais, eux, ne s’embarassent pas de scrupule et choisissent résolument le parti de la modernité. Qui est aussi celui de l’argent, d’ailleurs. Le Monde nous rappelle tout de même que de telles recherches ont été interdites aux Etats-Unis et en Australie.

Parfois, on se demande pourquoi personne ne réagit, personne ne dit stop. Pourquoi cette indifférence sur des questions aussi importantes. Qui touchent l’homme, qui touchent son statut, son identité génétique. Encore une fois, le Vatican, en la personne de Mgr Elio Sgreccia, président de l’Académie pontificale pour la vie, se retrouve seul à dénoncer un « acte monstrueux dirigé contre la dignité humaine ». Mais n’est-ce pas ce qu’on devrait tous clamer? Réfléchissez. On va cultiver une cellule humaine dans un ovule de vache. Et vous trouvez ça normal?

« Si Dieu n’existe pas, tout est permis », écrivait Dostoïevski. On y est.

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Villepin : l’Empire contre-attaque

Villepin fait fort. Depuis quelques jours, on le sentait fiévreux, pressé d’en découdre, rassemblant ses atouts avant de jeter toutes ses forces dans la bataille. A la façon Napoléonienne. Désormais, il se pose en opposant direct à Sarkozy : alors, bluff ou début de contestation à droite?

L’homme profite de la promotion de son dernier ouvrage sur Napoléon, Le soleil noir de la puissance. La semaine dernière sur TF1, il a d’abord dit craindre une « erreur judiciaire » au sujet de l’affaire Cleastream, dans laquelle il est mis en examen. Difficile de se prononcer là-dessus, tant l’affaire paraît obscure. Bien sûr, tout le monde a lu (un comble!) les PV d’audition du général Rondot ou de Jean-Louis Gergorin. Dans les médias, c’est à qui violera le plus le secret de l’instruction pour doubler le voisin. Mais la prudence est de mise dans ce dossier. Car à la question « à qui profite le crime? », Sarkozy sort bien sûr gagnant. Même si au départ, il semble l’évidente victime d’un complot machiavélique destiné à le discréditer. Mais connaîtra-t-on un jour la vérité?

Sortant d’un long silence, Dominique de Villepin a sorti ses gants de boxe, critiquant dès lundi la politique étrangère du gouvernement, notamment au sujet de l’Afrique et de la relation de la France à l’égard des Etats-Unis.

Sur i-télé, hier, l’ancien premier ministre a enfoncé le clou avec une vigueur étonnante dans sa position de quasi-paria. Feu à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy. En vrac, quelques citations amusantes :

« Ce n’est pas quand vous êtes entouré de béni-oui-oui, de cire-pompes et de courtisans que vous faites avancer un pays »

« On confond parfois le pouvoir et la gloire. Le Bourgeois gentilhomme, c’est toujours celui qui se met en scène. C’est forcément celui vers lequel les regards se tournent ».

« Je suis celui qui remplit le rôle de conscience et d’aiguillon d’une majorité qui ne doit pas s’endormir sur ses lauriers »
 
Puis Villepin rappelle aux « courtisans » que la conjoncture économique est « difficile », l’investissement « peu glorieux » et que le commerce extérieur « atteint les chiffres les plus mauvais ». Claude Guéant, lui, est brocardé pour son absence de « légitimité politique » à s’exprimer.

Bien sûr, venant d’un premier ministre qui n’a pas fait grand-chose pour la prospérité du pays, la critique peut prêter à sourire. Mais l’homme a du panache, et manie l’ironie avec talent. Il n’hésite pas à se comparer avec le Sarkozy de son gouvernement passé : « J’ai été dans un gouvernement où Nicolas Sarkozy n’a pas arrêté d’expliquer qu’il fallait animer le débat, qu’il y ait des grandes voix, des consciences capables de porter le débat et de nous permettre d’aller plus d’animer le débat. Nicolas Sarkozy avait raison ».

Très beau! Ce qui est admirable, chez Villepin, c’est son incroyable talent à décrypter ce qui fait la gloire ou la perte d’un homme d’Etat comme Napoléon. Comme il l’analyse dans son ouvrage, « Napoléon possède le génie de la conquête mais pas celui de la conservation. Le premier nécessite l’alliance de l’instinct, du courage et de la volonté. Le second, une réelle capacité d’écoute et de questionnement sans laquelle la politique s’abîme dans l’habitude et l’artifice entretenus par l’adulation intéressée des courtisans ». Ce qui est génial chez ce Galouzeau, c’est sa faculté à théoriser le pouvoir, l’Etat, l’action politique. La France. Mais cela suffit-il pour devenir soi-même l’incarnation de son rêve?

Car en attendant, l’homme est paralysé par la procédure judiciaire lancée contre lui. Comment imaginer, dès lors, un destin, un avenir politique pour ce grognard? Pourtant, ses récentes sorties ne sont probablement pas gratuites. Pense-t-il pouvoir rentrer dans le jeu? Imagine-t-il pouvoir recréer une sorte de courant chiraquien à l’UMP? Vue sa popularité au sein des parlementaires, l’idée semble peu crédible, même si elle doit furieusement trotter dans son esprit.

Mais paradoxalement, cette perspective pourrait être intéressante pour le pays, étant donnée l’inanité de l’opposition de gauche actuelle, l’absence totale et condamnable de François Bayrou et du MoDem, et le silence craintif et coupable de cette partie de la droite qui n’approuve pas totalement la politique de Sarkozy. Et pourtant, elle existe…

Non pas qu’il faille systématiquement condamner les actions du président. Mais vu le monolithisme actuel de la pensée de droite, une voix discordante ne ferait peut-être pas grand-mal. Serait-ce celle de Villepin, ou s’agit-il d’un énième coup de bluff chiraquien?

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