Cette information relativise beaucoup les prétentions de l’Algérie et de son président Abdelaziz Bouteflika à nous faire sans cesse la leçon. Un prêtre lillois a en effet été condamné le 30 janvier à un an de prison avec sursis et 200 000 dinars d’amende pour avoir commis le crime odieux de prier en dehors d’un édifice religieux.
« Âgé de 65 ans, l’homme vit en Algérie depuis 1971 et le 26 décembre, dans un bidonville à la frontière avec le Maroc où tentent de survivre des migrants candidats au passage en Europe, il a prié avec des Camerounais de rite catholique. En plein air. Quelques jours plus tard, il était interpellé par la police et, fin janvier, la condamnation est tombée : un an de prison avec sursis », écrit ce matin la Voix du Nord. Le clergé local s’est mobilisé, et l’archevêque d’Alger, Mgr Teissier, a publiquement jugé « exagérée » cette sanction tout en cherchant à apaiser les esprits. Il y a quelques jours, la peine a été ramenée en appel à deux mois de prison avec sursis. Cela reste un scandale.
Reste qu’au-delà de ce cas particulier, c’est la loi du 20 mars 2006 visant à lutter contre le prosélytisme religieux qui se trouve remise en lumière. Rien que ce mot de « prosélytisme » fait blémir. Comment peut-on empêcher les fidèles d’une religion de vouloir convaincre autrui que son message est positif ou intéressant? En l’occurrence, cette loi interdit aux cultes non-musulmans d’être célébrés en-dehors des édifices prévus à cet effet. Ce qui sous-entend la prohibition des processions ou des messes en plein air. Mais à la limite, ce texte pourrait très bien être interprété de manière extensive, et prohiber le port de la croix en public, par exemple… En l’espèce, ce prêtre a simplement prié en plein air avec des migrants dans un bidonville…
D’après l’agence Zénit, le texte va même beaucoup plus loin : « toute rencontre organisée en dehors des structures religieuses ne peut avoir lieu sans autorisation préalable écrite du gouvernement civil (…) L’utilisation d’un édifice comme lieu de culte doit également faire l’objet d’une demande explicite (…) Les autorités s’estiment en droit de refuser une autorisation si elles considèrent qu’il y a « danger pour la sauvegarde de l’opinion publique ». (…) Les rencontres religieuses spontanées en dehors des lieux de culte sont interdites. »
Sans compter que tous ceux qui chercheraient à convertir un musulman à une autre religion risquent jusqu’à cinq ans de prison ferme et 10 000 € d’amende. De même que ceux qui « fabriqueraient, entreposeraient ou distribueraient du matériel imprimé, des publications audiovisuelles ou tout autre support ou moyen visant à affaiblir la foi musulmane ».
Au départ, ce texte était prévu pour contrecarrer l’implantation en masse d’évangélistes en Algérie. « Le prosélytisme « chrétien » en Algérie n’a rien à voir avec le droit de choisir ou de pratiquer une religion, lit on sur ce blog. Il fait partie du programme de stabilisation des pays arabes conçu par les néo-conservateurs et « chrétiens-sionistes » américains. »
L’archevêque d’Alger, qui se veut optimiste, considère lui-même que la liberté d’expression n’est « pas remise en cause », mais que les méthodes « agressives » utilisées par les évangélistes « ne sont pas toujours irrépréhensibles du point de vue pastoral ». La preuve est pourtant aujourd’hui établie que les catholiques ne seront pas exempts de cette législation répressive. Et en soi, il n’est pas plus légitime d’interdire aux Evangélistes de convertir ceux qui le souhaitent.
On comprend la modération de Mgr Teissier. Reste qu’il est navrant de constater que ce sont nous, les Occidentaux, qui sommes sans cesse accusés d’intolérance vis-à-vis de l’Islam. Alors que chez nous la pratique de cette religion – et c’est bien naturel – est libre, que les mosquées se construisent partout et qu’on réfléchit même à faire participer l’Etat à leur financement. Sans compter les créneaux parfois réservés – là, cela pose question – aux femmes dans les piscines. Que dirait-on si en France, on interdisait aux musulmans tout prosélytisme? On hurlerait au scandale, des drapeaux bleu-blanc-rouge seraient brûlés à travers le monde et des fatwas haineuses seraient lancées.
Après, comment s’étonner que l’on ait une mauvaise image de l’islam, quand c’est toujours celle-ci qui nous saute aux yeux?