Parfois, je me demande si je ne fais pas partie de ceux qui avec opiniâtreté, tirent vers le bas la courbe du moral des ménages. Souvent même. Quoique je ne représente pas vraiment un ménage, étant répertorié fiscalement comme un célibataire sans enfant. Mais peut-on vraiment « avoir le moral » dans ce pays?
Je me demande même, à vrai dire, si je ne fais pas partie de ces Français qu’on vilipende sans cesse pour leur soi-disant peur de l’avenir, de la « mondialisation », ce terme tellement galvaudé qu’à chaque fois que je le prononce, j’ai l’impression d’entendre crier ce chien fou de Besancenot. Après tout, j’ai voté non au référendum de mai 2005. D’emblée, je suis dans le mauvais camp. Pas dans le camp du bonheur, du progrès, de l’optimisme, de ceux qui entreprennent. Ni dans celui des fers de lance, des figures de proue. Pas dans le camp des winners.
Je ne crois d’ailleurs pas qu’il s’agisse de « peur ». Cela ne sert à rien, d’avoir peur. Alors voilà, je fais mon coming-out de pessimisme. Si on m’appelait pour me demander « êtes-vous un ménage qui a confiance? », je dirais non. Et j’insisterais. Que voulez-vous, dans notre beau pays, le pessimiste est au départ l’idéaliste. Il y croit, il a de belles idées, mais il y a tellement d’ingrédients en France pour devenir réaliste… Regardons bien. Chez nous, les stars sont Florent Pagny, ces imbéciles heureux de la Star Ac’, Johnny. On fait même des tournées avec les débris des années 80. L’homme préféré des Français est Yannick Noah. On a des idées de génie, comme inventer une danse ridicule appelée tektonik. Des fous qui dansent sous la pluie dans la rue, ça ne s’invente pas. Les jeans sont trop serrés, ils en souffrent, mais c’est pas grave. C’est ma mode, on vous dit!
Au niveau politique, c’est pire. La tyrannie de l’opinion publique, c’est-à-dire du néant. La supériorité, tout le temps, sans cesse, de la forme sur le fond. Un homme avide de pouvoir l’emporte sur une femme un peu moins avide de pouvoir. Les sondages qui en veulent rien dire, et à qui on fait tout dire. Le pouvoir législatif qui n’a aucune, mais vraiment aucune indépendance sur le pouvoir exécutif. Allo, Montesquieu? C’était quoi ta théorie, la séparation de quoi déjà? Pour relancer la croissance, on nous propose de supprimer les départements. La cour des comptes râle tout le temps mais on ne l’écoute jamais. Le président s’affiche avec une mannequin prônant la polyandrie et posant nue dans des magazines. On gouverne à vue, c’est-à-dire à l’horizon de la prochaine échéance électorale. Comment espérer avoir une chance de s’en sortir avec un tel système? J’adhère à la plupart des conclusions de l’ami Volkoff et de son « Pourquoi je suis moyennement démocrate », que je suis en train de dévorer. La démocratie, c’est un jeu qui marche en Suisse mais à part ça? Quand le peuple vote non sur un sujet, on refait voter le Parlement… Au fond, pourquoi l’avis de gens crédules et exploitables devrait être pris en compte, quand on y pense bien? Pourquoi chaque avis aurait une valeur? Pourquoi s’embarrasse-t-on du « peuple »? Pourquoi la majorité aurait-elle raison?
Niveau société, c’est encore pire. On s’arrache les cheveux. Dans notre pays, on pourchasse ceux qui se stationnent mal, qui ne tiennent pas leur chien en laisse, mais on relâche les mineurs délinquants sous prétexte qu’il faut être sympa avec la jeunesse. Et surtout parce qu’on ne sait pas trop quoi en faire. Dans les foyers de l’enfance, on héberge des armées de psychopathes. Mais la priorité, c’est de mobiliser la justice contre les récidivistes pédophiles (qui représentent quoi, un millionième de la délinquance en France?) ou les chiens dangereux. La priorité, c’est de faire des lois après chaque fait-divers, sans prendre le temps ni de comprendre, ni d’analyser quoi que ce soit. Les zones de non-droit existent dans les faits, mais pas à la télé. Bon, je ne parlerai pas de la télé, non plus. Dans des tas de familles, on crie contre le pouvoir d’achat qui baisse, mais on préfère acheter des consoles, des télés et des Nike pour chaque enfant plutôt que des légumes et des Bescherelle. Hier, j’ai vu une dame qui appelait son caniche « la petite » . J’ai peur, oui…
Dans notre pays, on dénonce les OGM mais on autorise les manipulations génétiques sur les embryons. Dans notre pays, on reconnaît le préjudice écologique, on ne le laissera plus jamais passer, mais on affirme ne rien pouvoir faire contre les fermetures d’usine.
Pourquoi mettent-ils toujours des oeuvres moches sur les ronds-points? Pourquoi appellent-ils cela de l’art?
On a des journalistes qui se plaignent que Sarkozy les exploite, qui parlent de pipolisation, mais qui courent partout derrière le président. Il les fascine, il est « bon client », ils adorent ça. On a une presse aux ordres du pouvoir. Des journalistes politiques dont le fait de gloire est de dîner avec untel. Mais qui gardent pour eux ce qui sera dit entre le fromage et le dessert. Attends, le off c’est sacré! Comment s’en sortir avec des médias aussi nuls?
En plus, le FC Nantes est en D2…
Bon, ok, il y a des raisons d’espérer. Je lance un jeu concours alors. Tiens, qui a une bonne raison pour se remettre à espérer en 2008? (Le fait que Sébastien Loeb va encore gagner le titre de champion du monde de rallye cette année, que le PS soit définitivement perdu et que le PSG va peut-être descendre en D2 ne comptent pas).