Archives mensuelles : janvier 2008

Pessimiste car idéaliste

Parfois, je me demande si je ne fais pas partie de ceux qui avec opiniâtreté, tirent vers le bas la courbe du moral des ménages. Souvent même. Quoique je ne représente pas vraiment un ménage, étant répertorié fiscalement comme un célibataire sans enfant. Mais peut-on vraiment « avoir le moral » dans ce pays?

Je me demande même, à vrai dire, si je ne fais pas partie de ces Français qu’on vilipende sans cesse pour leur soi-disant peur de l’avenir, de la « mondialisation », ce terme tellement galvaudé qu’à chaque fois que je le prononce, j’ai l’impression d’entendre crier ce chien fou de Besancenot. Après tout, j’ai voté non au référendum de mai 2005. D’emblée, je suis dans le mauvais camp. Pas dans le camp du bonheur, du progrès, de l’optimisme, de ceux qui entreprennent. Ni dans celui des fers de lance, des figures de proue. Pas dans le camp des winners.

Je ne crois d’ailleurs pas qu’il s’agisse de « peur ». Cela ne sert à rien, d’avoir peur. Alors voilà, je fais mon coming-out de pessimisme. Si on m’appelait pour me demander « êtes-vous un ménage qui a confiance? », je dirais non. Et j’insisterais. Que voulez-vous, dans notre beau pays, le pessimiste est au départ l’idéaliste. Il y croit, il a de belles idées, mais il y a tellement d’ingrédients en France pour devenir réaliste… Regardons bien. Chez nous, les stars sont Florent Pagny, ces imbéciles heureux de la Star Ac’, Johnny. On fait même des tournées avec les débris des années 80. L’homme préféré des Français est Yannick Noah. On a des idées de génie, comme inventer une danse ridicule appelée tektonik. Des fous qui dansent sous la pluie dans la rue, ça ne s’invente pas. Les jeans sont trop serrés, ils en souffrent, mais c’est pas grave. C’est ma mode, on vous dit!

Au niveau politique, c’est pire. La tyrannie de l’opinion publique, c’est-à-dire du néant. La supériorité, tout le temps, sans cesse, de la forme sur le fond. Un homme avide de pouvoir l’emporte sur une femme un peu moins avide de pouvoir. Les sondages qui en veulent rien dire, et à qui on fait tout dire. Le pouvoir législatif qui n’a aucune, mais vraiment aucune indépendance sur le pouvoir exécutif. Allo, Montesquieu? C’était quoi ta théorie, la séparation de quoi déjà? Pour relancer la croissance, on nous propose de supprimer les départements. La cour des comptes râle tout le temps mais on ne l’écoute jamais. Le président s’affiche avec une mannequin prônant la polyandrie et posant nue dans des magazines. On gouverne à vue, c’est-à-dire à l’horizon de la prochaine échéance électorale. Comment espérer avoir une chance de s’en sortir avec un tel système? J’adhère à la plupart des conclusions de l’ami Volkoff et de son « Pourquoi je suis moyennement démocrate », que je suis en train de dévorer. La démocratie, c’est un jeu qui marche en Suisse mais à part ça? Quand le peuple vote non sur un sujet, on refait voter le Parlement… Au fond, pourquoi l’avis de gens crédules et exploitables devrait être pris en compte, quand on y pense bien? Pourquoi chaque avis aurait une valeur? Pourquoi s’embarrasse-t-on du « peuple »? Pourquoi la majorité aurait-elle raison? 

Niveau société, c’est encore pire. On s’arrache les cheveux. Dans notre pays, on pourchasse ceux qui se stationnent mal, qui ne tiennent pas leur chien en laisse, mais on relâche les mineurs délinquants sous prétexte qu’il faut être sympa avec la jeunesse. Et surtout parce qu’on ne sait pas trop quoi en faire. Dans les foyers de l’enfance, on héberge des armées de psychopathes. Mais la priorité, c’est de mobiliser la justice contre les récidivistes pédophiles (qui représentent quoi, un millionième de la délinquance en France?) ou les chiens dangereux. La priorité, c’est de faire des lois après chaque fait-divers, sans prendre le temps ni de comprendre, ni d’analyser quoi que ce soit. Les zones de non-droit existent dans les faits, mais pas à la télé. Bon, je ne parlerai pas de la télé, non plus. Dans des tas de familles, on crie contre le pouvoir d’achat qui baisse, mais on préfère acheter des consoles, des télés et des Nike pour chaque enfant plutôt que des légumes et des Bescherelle. Hier, j’ai vu une dame qui appelait son caniche « la petite » . J’ai peur, oui…

Dans notre pays, on dénonce les OGM mais on autorise les manipulations génétiques sur les embryons. Dans notre pays, on reconnaît le préjudice écologique, on ne le laissera plus jamais passer, mais on affirme ne rien pouvoir faire contre les fermetures d’usine.

Pourquoi mettent-ils toujours des oeuvres moches sur les ronds-points? Pourquoi appellent-ils cela de l’art?

On a des journalistes qui se plaignent que Sarkozy les exploite, qui parlent de pipolisation, mais qui courent partout derrière le président. Il les fascine, il est « bon client », ils adorent ça. On a une presse aux ordres du pouvoir. Des journalistes politiques dont le fait de gloire est de dîner avec untel. Mais qui gardent pour eux ce qui sera dit entre le fromage et le dessert. Attends, le off c’est sacré! Comment s’en sortir avec des médias aussi nuls?

En plus, le FC Nantes est en D2…

Bon, ok, il y a des raisons d’espérer. Je lance un jeu concours alors. Tiens, qui a une bonne raison pour se remettre à espérer en 2008? (Le fait que Sébastien Loeb va encore gagner le titre de champion du monde de rallye cette année, que le PS soit définitivement perdu et que le PSG va peut-être descendre en D2 ne comptent pas).

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L’Elysée veut renforcer le monolithisme de l’information

Alors qu’une partie de la crise économico-morale des médias français provient d’un monolithisme croissant en France (conformisme d’un côté, concentration des titres de l’autre), c’est-à-dire d’un manque criant de pluralisme, l’Elysée aurait une idée lumineuse selon une info dénichée sur lemonde.fr et provenant de Mediapart : confier aux entreprises de la PQR (presse quotidienne régionale) les décrochages locaux (mi-journée plus tranche horaire 18h30-20h30) de France 3.

Selon Mediapart, et comme on peut s’en douter, cette idée s’inscrit dans le cadre de la réflexion sur la suppression de la pub à la télé publique. Il est vrai que les seules taxes sur les chaînes privées ne suffiront pas à combler le déficit de 800 M€ correspondant au budget publicitaire de France Télévisions. Et Henri Guaino a confirmé hier soir sur RTL qu’il n’y aurait pas d’augmentation de la redevance. L’information, tout le monde sait que ça coûte plus cher que la production d’émissions bidon à la Delarue. Et oui, l’information a un prix, quoi qu’on en dise. L’Etat pourrait être tenté de réaliser des économies là-dessus.

Le projet? Il s’agirait de créer des « sociétés d’économie mixte, intégrant aussi les collectivités locales, notamment les régions, permettra d’adosser juridiquement et financièrement chacune de ces nouvelles structures régionales ».

L’avantage : consolider la PQR, qui fait déjà de gros efforts pour diversifier son activité, et notamment dans le secteur du web. Bon nombre de groupes ont déjà investi dans la télé en demandant des canaux sur la TNT.
Une telle méthode permettrait aussi, toujours selon Mediapart, de « désamorcer l’opposition des socialistes en associant au montage les conseils régionaux -tous de gauche, à l’exception de l’Alsace- à la réforme. On rêve déjà à l’Elysée d’un consensus politique et professionnel avec cette explication à double détente: pérennité du service public et sauvetage de la presse écrite régionale « .

L’inconvénient : dans la plupart des régions, toute concurrence a disparu au niveau de l’information. Une telle mesure renforcerait cet état de fait. C’est amusant que le libéralisme permette la création de véritables monopoles. Les pouvoirs publics laissent faire, bien entendu. Ne surtout pas s’aliéner les patrons de presse. Les cajoler dès que possible.

Les seuls « concurrents », bien souvent, sont les radios et télés, qui se contentent souvent de recopier le contenu du journal local. Dans la région dont je suis originaire, la Touraine, un seul média domine : La Nouvelle-République. C’est planplan.  C’est convenu. C’est copain-copain avec la plupart des dirigeants locaux, patrons ou élus. Eh oui, quand il n’y a pas de concurrence, pas de raison de s’embêter avec des infos dérangeantes… C’est fatigant, de chercher! Ah, j’oubliais : toute personne ayant des vélléités de création d’un titre concurrent subit un tas d’embêtements. En général, on abandonne rapidement.

Dans la région où j’habite actuellement, la région lilloise il y a au contraire un foisonnement de titres. Une véritable diversité. Mais la plupart sont sous la coupe règlée du caïd local : la Voix du Nord. Cet ogre passe son temps à racheter les petits hebdos locaux. Quel pluralisme, quand toutes les cartes sont dans la même main? Si l’édition locale de France 3 tombait dans sa main, quelle source d’informations différentes aurait le nordiste? France Bleu Nord? Copié-collé de la Voix du jour. M6? Oui, mais combien de temps le décrochage durera-t-il? L’info ne rapporte pas assez d’argent… Elle n’en rapporte pas du tout, même! 20 Minutes? Ne rêvons pas, la rédaction est constituée de deux personnes. Ils font ce qu’ils peuvent, c’est-à-dire pas grand-chose.

On a là deux exemples différents aboutissant au même résultat : concentration de l’information dans les mêmes mains. Ce qui ne produit jamais de bons résultats. On veut solidifier des entreprises, on leur donne des tailles extravagantes. Plutôt que de soigner le mal réel de la presse, c’est-à-dire son décalage par rapport à ce qu’attendent les lecteurs, on met un pansement ridicule en lui octroyant sans cesse des subventions et des facilités économiques… Là aussi, n’est-on pas à la frontière du libéralisme?

Hier soir, invité du Grand Jury sur RTL, Henri Guaino n’a pas confirmé l’info de MediaPart. Mais il a assuré que tout était possible, que tout était discutable. Y compris le baillonnement de l’info.

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La chasse à l’homme, ou l’hallali médiatique

Malheur à celui qui est au centre du tourbillon médiatique, dans l’oeil du cyclone… Je parle de ces moments où pendant plusieurs jours, l’attention des journaux, des télés, des radios, des sites web, est concentrée sur un seul événement, sur une seule personne, au point de la décortiquer, de la triturer, de la dépiauter et d’en faire sortir toute sa substance. Jusqu’à épuisement et lassitude. Voire parfois jusqu’à la nausée.

Dans ces moments là, plus rien ne compte. Chacun essaie de doubler l’autre, d’apporter une nouvelle information au moulin médiatique. Qui sera illico repris par tous. Pas de scoop ici. Car pour faire tourner la machine, il faut du combustible, il faut du neuf, coco. Il faut justifier qu’on continue sur ce sujet… Surtout  fouiner, mais éviter de réfléchir. Complètement irréel…

C’est le cas, typiquement, de l’affaire machin chose. Vous savez, ce pauvre type soupçonné d’avoir volé près de 5 milliards d’euros à la Société générale en moins d’une année. C’est l’idéal. Une info impensable, incroyable, en pleine crise finanicère et boursière. Plus c’est gros, plus ça passe. Pensez à l’affaire Courjault et à cette histoire de complot coréen, tout le monde l’avait cru. Pensez à l’affaire Dutroux, à cette histoire de réseaux internationaux. Pensez à l’affaire d’Outreau, tout le monde avait chargé le juge Burgault après coup, mais qui se souvient que certains journaux avaient inventé tout et n’importe quoi?

Il faut se méfier de ces moments de tournis médiatique. Tout le monde perd la raison, le temps s’arrête. Pure folie… On en oublie les règles de déontologie, on reprend les infos de départ sans sourciller, on diffuse le nom, la photo de ce courtier. On va voir sa famille, ses profs de fac. Qui prend désormais la peine d’employer le conditionnel, de parler de « suspect »? Qui respecte la présomption d’innocence? Qui pense à s’interroger? Qui s’arrête cinq minutes, le temps de souffler? D’analyser tout ça? Je veux dire, autrement qu’en fin d’article?

Tel un cheval au galop, les médias ne peuvent s’arrêter, c’est trop tard. Cet homme est traîné dans la boue. 5 milliards en un an, ça fait beaucoup. On peut même se demander, (merci Nicolas) pourquoi personne ne s’étonne qu’une telle somme n’empêche pas la troisième banque française de réaliser un bénéfice net, en 2007, compris entre 600 et 800 millions d’euros!

Pensez de temps à autre à prendre du recul quand tous les médias ne parlent que d’un sujet. Daniel Schneidermann avait écrit un bouquin là-dessus, le Cauchemar médiatique. lisez-le, c’est instructif. C’est vraiment ça, un cauchemar, une sensation onirique, une perte totale de réalité.

Non pas que cette histoire soit forcément fausse, on n’en sait rien. Mais justement. Le journaliste se doit de rester prudent, pas de sauter à pied joint dans un conte de fées dans lequel il a ensuite du mal à sortir.

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Ce n’est pas à la Justice de trancher le débat sur l’homoparentalité

De l’art d’imposer petit à petit et très subtilement une modification de notre droit, qui devrait plutôt être tranchée politiquement et après débat public. Ce dernières semaines, nous avons assisté à des décisions de justice qui reconnaissent de facto l’homoparentalité. Qui la « valident » aux yeux de la société. Ce n’est pas son rôle, mais l’incurie de l’Etat lui laisse-t-elle vraiment le choix?

Deux décisions ont d’abord été rendues par une même juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Lille. En décembre, deux lesbiennes habitant ensemble à Tourcoing depuis 15 ans, chacune mère d’un enfant, ont ainsi acquis une délégation d’autorité parentale réciproque sur l’enfant de l’autre. Cette délégation, comme le rappelle Le Monde, « ne crée ni lien de filiation, ni conséquence successorale, mais donne cependant une première assise juridique à l’homoparentalité : il autorise le « tiers » à accomplir les actes de la vie courante – scolarité, soins médicaux – et surtout, lui reconnaît une place dans la vie de l’enfant ». En 2006, la Cour de Cassation avait ouvert la voie en considérant qu’on ne pouvait exclure cette délégation pour deux femmes vivant ensemble de manière « stable et continue »., dès lors qu’il s’agit de l' »intérêt supérieur de l’enfant« .

Deuxième étape, toujours au TGI de Lille et en décembre, la validation de la garde alternée pour deux homosexuelles ayant élevé une fille ensemble (l’un d’elle avait bénéficié en Belgique d’une insémination artificielle) avant de se séparer. Là aussi, cela revient à reconnaître aux deux partenaires du couple homosexuel un rôle de « parents ». Dans son jugement, la « jaf » relève qu’ « il apparaît discriminatoire d’exclure un enfant de la possibilité de bénéficier du partage de l’autorité parentale souhaitée par sa mère et son ancien amie sur le seul motif qu’elles sont de même sexe ».

On pourrait dire aussi qu’il est discriminatoire que seuls un homme et une femme puissent concevoir un enfant, mais ma foi, c’est ainsi que la nature en a voulu. Il est discriminatoire que je sois brun et pas blond comme j’aurais voulu, mais c’est ainsi que je suis né, tant pis. Je peux rouspéter tant que je veux, ça n’y changera rien.

Troisième étape, hier : la France a été condamnée par la CEDH (cour européenne des droits de l’homme) pour avoir refusé l’adoption à une femme sur le motif qu’elle était homosexuelle (elle l’avait déclaré). Pour le détail, et notamment sur les faits et la portée de cette décision, allez voir chez Maître Eolas. Voici l’attendu qui doit selon lui (à raison, sans doute) retenir notre attention :
 

La Cour rappelle que le droit français autorise l’adoption d’un enfant par un célibataire (…), ouvrant ainsi la voie à l’adoption par une personne célibataire homosexuelle, ce qui n’est pas contesté. Compte tenu de cette réalité du régime légal interne, elle considère que les raisons avancées par le Gouvernement ne sauraient être qualifiées de particulièrement graves et convaincantes pour justifier le refus d’agrément opposé à la requérante.

Même si on peut s’interroger sur le fait que la CEDH puisse se mêle de ces questions, celle-ci ne fait que répondre à la question posée et constater la réalité de la situation française. Encore Eolas :

Tombez, mes bras, pends, ma machoire, saisis-moi, ô stupéfaction. Alors que le Conseil d’Etat valide de manière constante des refus d’agrément fondés sur l’homosexualité du demandeur à l’agrément, les représentants de la France devant la Cour européenne des droits de l’homme revendiquent que les homosexuels peuvent adopter en France, et ce depuis la loi du 11 juillet 1966 qui a étendu l’adoption aux célibataires. Je ne suis pas sûr que l’assemblée gaulliste élue en novembre 1962 ait vraiment eu conscience d’autoriser l’adoption par des homosexuels. Tout ça pour dire « Voyez comme nous n’opérons pas de discrimination à l’adoption envers les homosexuels ». Tout en étant incapable de dire combien d’homosexuels ont effectivement un jour adopté un enfant…

Ha ! Au bal des faux-culs, le carnet de bal de la République est rempli jusqu’à la marge.

En définitive, le débat sur l’homoparentalité apparaît comme totalement pipé. En l’occurrence, il n’y a pas de débat. L’hypocrisie de l’Etat français est totale : il laisse faire la Justice sur cette question, au coup par coup, alors même qu’il accepte le principe soit d’une adoption par un célibataire homosexuel (qui pourra alors se mettre en couple, ce qui posera effectivement des problèmes d’ordre pratique par la suite), soit d’une insémination d’une femme homosexuelle (mêmes conséquences que pour le cas précédent). Et bien sûr, un ou une homosexuelle peut très bien avoir conçu un enfant avec une personne du sexe opposé.

L’homoparentalité n’est pas légale alors que des homosexuels peuvent avoir des enfants. Complètement surréaliste. On dirait que l’Etat rame à contre-courant, juste parce que les lois sur l’adoption n’ont pas été rédigées avec suffisamment de précision dans le passé. Même s’ils pourraient s’abstenir de trancher ainsi de tels faits de société, les juges ne sont pas tellement en cause dans cette affaire : ils sont contraints de trouver des solutions au cas par cas aux problèmes qui se posent aux justiciables. Ils ont le devoir de répondre aux questions posées.

Il serait temps que l’Etat prenne ses responsabilités. Il n’appartient pas aux juges de règler une question aussi importante! Oh, bien sûr, il semble que ce soit peine perdue parce qu’on sait que ceux qui sont sceptiques sur la question sont d’horribles réactionnaires coincés et pas du tout « aware ». On connaît le poids du (con)formisme dans notre pays. Pas d’accord? facho! Comme s’il s’agissait de « progrès ». Peut-être est-ce inhumain ou très ringard de souhaiter à tout enfant d’avoir un père et une mère (je ne suis de mon côté pas tellement pour l’adoption pour les célibataires, homosexuels ou non). Peut-être est-ce manquer considérablement d’ouverture d’esprit. Peut-être est-ce même insultant vis-à-vis des homosexuels, qui on le comprend bien, souhaitent comme tout un chacun satisfaire au « besoin de reproduction » que ressent tout être appartenant au règne animal.

Qu’ils me pardonnent. Lorsqu’on est s’oppose à l’homoparentalité, on ne ressent aucune hostilité envers les homosexuels. On ne veut pas les priver de quoi que ce soit. C’est juste à l’enfant qu’on s’intéresse. Et ne me dites pas que ça ne regarde pas l’Etat : on veut bien qu’il se mêle d’économie, on veut bien qu’il veille à notre consommation de tabac, au taux de sucre qu’on a dans le sang.

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« Passer de la religion de l’aveu à celle de la preuve »

Quelles que soient les explications politiques (1) qu’on peut trouver au retour de Nicolas Sarkozy à l’excitation du terrain, le président a parfaitement résumé, ce matin en visite à l’Hôtel de Police de Bordeaux, les enjeux de la police de demain : Développer la police scientifique à fond (2) Miser sur  la solidité de la « preuve parfaite », plutôt que de sur la fragilité des témoignages. Attention toutefois aux libertés individuelles.

Nicolas Sarkozy et la police, c’est je t’aime moi non plus. Il énerve les policiers qui ne peuvent s’empêcher de l’adorer. Ils l’adorent parce qu’il a compris ce métier au point de parler et penser comme un policier. Ils l’aiment parce qu’il les soutient et les comprend. Sarkozy s’est servi, comme nombre de ses prédecesseurs, de la place Beauvau comme d’un marchepied vers l’Elysée. Il connaît parfaitement la « Maison Poulaga ». Et même si Michèle Alliot-Marie est désormais aux commandes, il ne l’a pas oublié : tous ses fidèles sont dans la place. De leur côté, les policiers ne l’ont pas non plus oublié, car après Pierre Joxe dans les années 80, c’est le ministre de l’Intérieur qui a le plus fait pour eux, et notamment au niveau de l’équipement. Il a eu le nez fin en créant les GIR (groupes d’intervention régionaux), qui attaquent le point faible des voyous : l’argent sale. Au niveau des effectifs, en revanche, il faudra repasser… Et le démantèlement de la police de proximité, remplacée de façon catastrophique par les BAC et CRS, a été une grossière erreur sur la forme.

Nicolas Sarkozy sait que la police comme la gendarmerie ont beaucoup évolué. Là où il y a quelques années, l’aveu était parfois indispensable aux forces de l’ordre pour résoudre des affaires criminelles ou délictuelles, celui-ci est désormais relégué au rang « d’indice », venant corroborer les preuves recueillies au niveau scientifique. A contrario, les avancées scientifiques permettent aujourd’hui de résoudre des enquêtes qui seraient restées au point mort sans l’aide des labos (souvent privés, d’ailleurs). L’affaire Ranucci ou le feuilleton Grégory n’auraient sans doute jamais causé de polémiques si on avait pu relever des traces ADN sur le pull-over rouge ou sur le timbre léché par le corbeau.

Il y a quelques jours, un crime mystérieux a été élucidé à St-Amand-les-Eaux, dans le Nord. Un marginal avait été frappé à mort, l’été dernier, par des inconnus en extérieur. Les membres de ce qu’on appelle l’Identité judiciaire (en réalité, la police scientifique des commissariats locaux) ont eu le réflexe de tout recueillir sur place, y compris un petit bout de papier qui était coincé sous un amas de tôles. Et il s’est avéré que ce papier gras recelait à la fois les empreintes de la victime et d’un tiers. Grâce à de nouvelles techniques, on a pu « isoler » les deux ADN l’une de l’autre, et remonter à un groupe de suspects, qui placés devant cet indice un peu gênant pour leur alibi, n’ont pu que reconnaître avoir participé à un truc pas net. Même s’il appartiendra à la justice de trancher sur leur culpabilité et leur implication… Pour donner un autre exemple, aujourd’hui on peut même prélever des empreintes digitales ou génétiques sous l’eau.

Et l’intérêt de ces techniques, c’est que de plus en plus, elles sont utilisées pour résoudre les « petits délits » du quotidien, ceux qui empoisonnent la vie, les vols dans les véhicules, les cambriolages… Selon Le Monde du 8 janvier :

 

A l’échelle nationale, la saisie de la PTS (police technique et scientifique) permet actuellement de retrouver environ 80 % des auteurs de crimes. Lors de sa visite, Mme Alliot-Marie a révélé qu’un test effectué sur 200 affaires de petite et moyenne délinquance, réalisé ces derniers mois, avait montré également « 80 % de résultat ». Sur les cambriolages dont le taux d’élucidation est actuellement d’environ 60 %, la ministre a donc souhaité, comme pour « un certain nombre d’autres délits », atteindre les « 100 % ».

Et puis un aveu ou un témoignage, c’est tellement fragile. Qui peut dire s’il se souvient de la couleur du manteau de la dernière personne croisée dans la rue? On est parfois étonné de constater que les témoins, sauf à être entendus immédiatement, ne sont que rarement fiables. Il suffit de leur suggérer une version pour qu’ils croient y avoir assisté. La plupart du temps, il est très facile de les faire douter sur ce qu’ils ont vu ou entendu.

Pour autant, si le développement de ces techniques est indispensable et tombe sous le sens, si on endoit pas rater le train de la modernisation, doit -on dire avec Nicolas Sarkozy qu’il faut permettre aux enquêteurs de « passer de la religion de l’aveu à celle de la preuve »? Il faut leur donner les moyens de mener à bien leurs investigations, c’est clair. Mais le terme « religion de la preuve » est un peu gênant. On peut y voir un risque fort pour les libertés individuelles. Car cela signifie que placés devant une preuve, érigée au rang de religion, les policiers doivent s’incliner.

Ce n’est pas compliqué, dans quelques années, police et gendarmerie disposeront d’un fichier d’empreintes digitales conséquent (dès que vous êtes placés en garde à vue, on vous photographie et on prend vos empreintes) et d’un fichier d’empreintes génétiques qui s’épaissit de jour en jour (la liste des délits entraînant une prélèvement d’ADN du suspect s’élargit elle-aussi). Les progrès accomplis dans ces domaines sont phénoménaux. Un jour, tout le monde sera fiché à la naissance et on n’en parlera plus. Cela a du bon, mais il faut rester prudent, tout de même.

Bien sûr, on rétorquera, comme sur le sujet épineux de la vidéosurveillance, que ceux qui ne font rien de mal sont tranquilles. Que plus la base de données est grande, plus on a de chances de retrouver les coupables. Qu’il y a des garanties. Sauf que d’une part, les moyens accordés par exemple à la CNIL sont ridicules. Elle a déjà du mal à lutter contre le fichage des gens par les sociétés commerciales… Et d’autre part, si un jour mon empreinte se retrouve je-ne-sais-comment sur une scène de crime, j’aurai du mal à résister à la « religion de la preuve ».

Nicolas Sarkozy devrait donc, tout en donnant des moyens aux polices techniques et scientifiques, élargir le financement des contrepoids à ce pouvoir grandissant de la puissance publique. Au risque de tomber dans… un Etat policier?

1) Selon la plupart des commentateurs, aiguillés par les dépêches AFP, Nicolas Sarkozy se presserait sur le terrain pour combattre la baisse de sa popularit »é dans les sondages. Il donnerait une tonalité particulière à la sécurité pour miser à nouveau sur un clivage droite-gauche et faire des municipales un enjeu national et un plébiscite, si possible, de ses premiers mois à l’Elysée. C’est du de Gaulle ou du Bonaparte?

(2) Ce faisant, il confirme ce que Michèle Alliot-Marie avait déjà annoncé lors de ses voeux, parlant de « culture de la preuve ». Un terme qui semble plus approprié?

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Qui aura le courage de débrancher le MoDem?

Tiraillé entre la gauche et la droite, entre le pouvoir et l’opposition bête et méchante façon PS, entre le réalisme et idéalisme, le MoDem de Bayrou donne de plus en plus le sentiment de tâtonner, tout en paraissant privilégier une ligne de centre-gauche. Une stratégie purement politicienne, qui met de côté une bonne partie des électeurs ayant soutenu Bayrou le 22 avril 2007.

Et ils étaient nombreux! 6 820 119 petits papiers « Bayrou », ça fait du monde : 18,57% du corps électoral. Et sur quels slogans tous ces gens ont-ils voté Bayrou? Plus de gauche ni de droite, mais une politique intelligente au service des Français. Une politique pragmatique, une politique de l’Etat impartial. Une présidence sobre, représentée par un Bayrou au profil quasi-protestant. Un libéralisme certain teinté d’un certain humanisme. Avec une volonté d’indépendance marquée vis-à-vis du grand frère RPR devenu hégémonique UMP. En gros, c’était ça. Il y avait de quoi tenter du monde : beaucoup s’y sont laissés prendre. Je me suis moi-même laissé berner, après avoir pourtant critiqué à maintes reprises le Béarnais. Tout en n’étant pas dupe sur l’illusion représentée par sa candidature, j’ai voté Bayrou par défaut. Parce que Sarkozy et Royal m’insupportaient tout autant l’un que l’autre. Et combien sont-ils dans ce cas?

Quoi qu’il en soit, beaucoup doivent aujourd’hui se mordre les doigts d’avoir opté pour cette solution. Personnellement, j’ai voté Bayrou et je l’assume, mais j’exècre le MoDem, cette espèce de parti fourre-tout qui ne ressemble à rien. D’ailleurs, ses soutiens s’enfuient un à un. S’agit-il d’un hasard? Le premier a été Gilles de Robien, suivi par les futurs membres du Nouveau-Centre, qui ont quitté l’ex-UDF pour conserver leur place à l’Assemblée nationale. Ils refusaient, officiellement, le positionnement au centre-gauche adopté par Bayrou. Celui-ci ne s’est-il pas placé de facto à gauche du spectre politique, en assurant qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle? Ce même centre-gauche où se trouvaient déjà le PRG, et où s’est installé Gauche Moderne, le groupuscule de Jean-Marie Bockel? Ensuite, il y a eu les « départs individuels ». Les derniers en date sont Christian Saint-Etienne et Jean-Marie Cavada, c’est-à-dire des piliers du MoDem naissant et déjà agonisant.

Car aujourd’hui, c’est quoi le MoDem? Franchement, la question mérite d’être posée. Entre Corinne Lepage, Jean-Luc Benhamias, Marielle de Sarnez, Jean Lassalle, Azouz Begag, Quitterie Delmas, où est le point commun? Entre la ligne politique insufflée par le parti au niveau central (en fait, Bayrou) et le terrain, il y a un gouffre. Et ce gouffre illustre l’embarras dans lequel sont plongés une bonne partie des électeurs centristes du 22 avril.

Que veut Bayrou, si on l’écoute bien? Occuper en France la place dont dispose Prodi en Italie. Celle qu’avaient Blair et Schroeder au Royaume-Uni et en Allemagne. Etre le Jacques Delors du XXI siècle. Bref, fonder une social-démocratie à la française. On voit bien que Bayrou et ses fidèles ont tendance à préferer une ligne de centre-gauche, la droite étant tout entière phagocytée par Sarkozy. Ce qui a changé par rapport à la présidentielle, c’est qu’on ne parle plus de « ni-droite ni-gauche ».

De toutes façons, ces belles paroles sont contredites tous les jours localement. Les élections approchant, chacun est obligé de prendre position et de dévoiler son jeu. Et force est de constater que sur le terrain des municipales, aucune ligne claire ne se dégage. Que voit-on? Un MoDem différent dans chaque ville, ou presque. Des listes autonomes, des alliances à gauche, à droite… Un vrai capharnaüm!

A Marseille, la tête de liste est Jean-Luc Benhamias, mais deux membres du MoDem marseillais ont choisi le PS et l’UMP. A Lille, Jacques Richir partira seul, suivant un programme très « écolo » (bobo urbain), mais un dissident du Mouvement démocrate le concurrencera. A Paris, Corrine Lepage devra affronter Jean-Marie Cavada dans le XIIe arrondissement, pendant que Marielle de Sarnez tape bien d’avantage sur Panafieu que sur Delanoë. A Dijon ou Roubaix, le MoDem fait alliance avec la gauche. A Angers ou Bordeaux, on fait copain-copain avec l’UMP. Sans compter les villes où les listes MoDem du premier tour fusionneront au deuxième soit avec l’un, soit avec l’autre!

«Stratégiquement, nous avons un problème. Je ne suis pas sûr que nous présentions un visage très cohérent», euphémise un responsable MoDem issu de l’UDF et cité dans Libération de vendredi. Tu m’étonnes. Vous présentez même un visage carrément chaotique! En fait, le MoDem, c’est un peu comme le protestantisme. Chacun peut s’en prévaloir et faire n’importe quoi, étant donné qu’il n’y a pas de doctrine ni de colonne vertébrale. Son texte fondateur, lui, a été écrit par un M.Saint-Etienne rallié depuis à l’UMP…

Gageons que le MoDem ne survivra pas très longtemps. Il a des militants, mais qui pensent tous de manière différente. Regardez Luc Mandret : je ne suis pas sûr que beaucoup de militants du MoDem saluent comme lui le décès de Pierre Boussel, trotskyste impénitent. Au fond, ce parti ne tient que par Bayrou et par le souvenir de cette magique épopée de la présidentielle… Après l’épopée, la tragédie?

En résumé, je ne sais pas si je suis le seul, mais j’ai le sentiment d’avoir été trahi, et qu’on instrumentalise mon vote, qui fait pourtant partie de ces 6 820 119 petits papiers « Bayrou »… Non, ces 18,57% ne soutiennent pas le MoDem. Il faudrait qu’un jour l’état-major du parti démocrate en prenne conscience.

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Le planning familial en plein fantasme d’un droit à l’avortement menacé

Lu sur le site du Plannign Familial, à l’occasion de cette magnifique campagne d’affichage financée par le Conseil régional d’Ile-de-France : « Les lois sur la contraception et l’avortement relèvent aujourd’hui moins du droit que de la tolérance. Elles ne sont pas correctement appliquées et les libertés que l’on croyait hier acquises sont de moins en moins reconnues.C’est pourquoi le Planning Familial et ses partenaires lancent une campagne sur le territoire francilien, dans les gares et le Métro, du 18 au 27 janvier 2008. Une région où les obstacles se multiplient quand il s’agit de faire valoir ses droits en la matière. Une région où l’avortement reste un parcours de la combattante. »

Plusieurs remarques :

– Associer ainsi contraception et avortement me semble un jeu à haut risque alors que les avortements sont de plus en plus banalisés. Sur l’affiche, on voit des gens qui rient. Comme si l’avortement était une chose gaie, comme si c’était comparable au fait de prendre la pilule, par exemple! Comme si cela faisait partie de la vie…

Faire croire que le droit à l’avortement est menacé, que c’est un parcours semé d’embuches est une hypocrisie et un mensonge sans nom. Rappelons qu’il y a chaque année en France plus de 200 000 avortements. Cela près près de 548 par jour. Une liberté menacée? Tu parles. Encore récemment, l’accès à la pilule abortive a été simplifié, et le Planning familial lui-même peut la prescrire!

Le planning familial, tout à son idéologie, oublie de dire qu’il existe des alternatives à ce drame humain, comme par exemple le soutien aux femmes enceintes en détresse. Il se satisfait d’un « droit », sans se soucier du reste. Comme l’explique l’Alliance pour les droits de la vie, « cette campagne est réductrice et déresponsabilisante en passant sous silence les besoins de solidarité exprimés par de nombreuses femmes enceintes ».

– C’est pourquoi, même si je reste sceptique quant à ce genre d’action, je soutiens la Marche pour la vie qui aura lieu dimanche à Paris (14h30, place de la République).

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Le fondamentalisme n’est pas toujours là où on croit

Je rigole, je rigole. Pendant que certains trouvent absolument scandaleux que Nicolas Sarkozy parle de Dieu, que ce soit au Latran ou à Riyad, d’autres veulent ériger des statues de Lénine dans l’indifférence générale

Pendant que certains nous bassinent avec le caractère prétendument conservateur de Benoît XVI, qu’on ne cesse de tenter d’opposer à Jean-Paul II, d’autres ferment au nez du pape les portes de la Sorbonne romaine. Il y a de quoi, vraiment, s’interroger sur le fondamentalisme anticlérical.

Le pape a ainsi pris la décision, hier, d’annuler une visite qui n’aurait probablement pas pu se dérouler dans la sérénité. 67 professeurs (seulement) avaient ainsi écrit au recteur (qui avait invité le pape) pour lui demander de décommander la cérémonie. Et des étudiants avaient promis de venir troubler le discours.

Et le discours, justement, de quoi parlait-il? Les opposants s’en moquent. Ils parlent d’ingérences du pape dans la vie politique italienne. Ils évoquent Galilée, expliquent que Benoît XVI a estimé que son procès avait été « raisonnable et juste » lors d’une précédente visite à la Sapienza en tant que cardinal, en 1990. Zénit rapporte que cette polémique est justement fondée sur une interprétation erronée du discours de 1990, dans lequel Ratzinger avait défendu l’astronome et physicien… Il est tellement facile de déformer.

Où est la tolérance, où est l’intolérance, désormais? Comment peut-on prôner la liberté et la refuser aux autres? On peut très clairement faire le rapprochement entre cet épisode et la provocation honteuse de Frêche. Parce que Lénine comme Robespierre, influencés là-dessus par ce brave Jean-Jacques Rousseaux clamaient le tristement célèbre : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

Au fond, les anticléricaux, comme leurs amis laïcistes (je souligne le « iste »), que veulent-ils? Clouer le bec aux religions parce qu’elles les gênent. Renvoyer les questions religieuses à la sphère privée. Cloîtrer le pape au Vatican, pour qu’il ne s’adresse pas au monde.

Face à cette intolérance, face à cet autisme, les positions de Nicolas Sarkozy tranchent. Son interprétation d’une laïcité positive fait des remous, justement parce qu’on parle toujours des religions comme des menaces pour la Raison. Il serait grand temps de grandir et de sortir de cet anticléricalisme ridicule et archaïque qui tente de nous faire croire que les religions sont obscurantistes.

EDIT : la condamnation de cet incident par la presse italienne est unanime. Y compris celle de gauche. Il est intéressant d’en relever ceci, chipé sur le site de La Croix :

Avec l’annulation de la visite du pape, « c’est une caricature de la laïcité qui a gagné, une laïcité radicalisante, toujours prête à être anticléricale, qui veut uniquement écouter ses propres raisons », écrit le Corriere, quotidien au plus grand tirage en Italie, parlant de « défaite pour le pays ».


Il est bon d’en tirer des leçons quant à notre propre vision de la laïcité. Cet épisode a d’ailleurs fait plus de publicité au Vatican qu’autre chose : à lire, le discours que Benoît XVI devait prononcer (il a été lu et applaudi à la Sapienza, en son absence), et qui contient des extraits savoureux sur ce plan là. Ils montrent que définitivement, un tel esprit ne peut être exclu du champ public.

« Ici, cependant, émerge immédiatement l’objection selon laquelle le pape, en fait, ne parlerait pas vraiment sur la base de la raison éthique mais tirerait ses jugements de la foi et ne pourrait donc leur donner une valeur pour ceux qui ne partagent pas cette foi. Nous devrons encore revenir sur ce débat, parce qu’il pose la question absolument fondamentale : qu’est-ce que la raison ? Comment une affirmation – surtout s’il s’agit d’une norme morale – peut-elle se démontrer rationnelle ? Pour l’instant, je voudrais seulement relever brièvement que John Rawls (…) voit un critère de cette rationalité entre autres dans le fait que de telles doctrines sont issues d’une tradition responsable et motivée, au sein de laquelle ont été développées de très longue date des argumentations suffisamment bonnes pour soutenir la doctrine en question. Dans cette affirmation, ce qui me semble important est la reconnaissance que l’expérience et la démonstration à travers les générations, le fonds historique de la sagesse humaine, sont aussi un signe de rationalité et de signification pérenne. Face à une raison anhistorique qui cherche à s’auto-construire seulement dans une rationalité anhistorique, la sagesse de l’humanité comme telle – la sagesse des grandes traditions religieuses – doit être reconnue comme une réalité que l’on ne peut pas impunément jeter dans la poubelle de l’histoire des idées.(…)

C’est toute la question de la recherche d’une justice normative qui puisse conduire à un ordre de liberté, de dignité humaine et des droits de l’homme. C’est la question dont s’occupent aujourd’hui les processus démocratiques de formation de l’opinion, et qui préoccupe en même temps comme questionnement pour l’avenir de l’humanité. Jürgen Habermas exprime un vaste consensus de la pensée actuelle lorsqu’il dit que la légitimité d’une charte constitutionnelle, qui est le présupposé de la légalité, provient de deux sources : de la participation égale de tous les citoyens, et aussi d’une “forme raisonnable” dans laquelle sont résolues les contradictions politiques.

Jurgen Habermas note que celle-ci ne peut pas seulement être le résultat d’une majorité arithmétique, mais doit se caractériser comme « un processus d’argumentation sensible à la vérité ». C’est bien dit, mais c’est très difficile à transformer en pratique politique. Les représentants de ce « processus d’argumentation » public sont, nous le savons bien, avant tout les partis, comme responsables de la formation de la volonté politique. Donc, ils auront immanquablement comme objectif de parvenir à la majorité, et s’occuperont inévitablement des intérêts qu’ils ont promis de satisfaire. Cependant, ces intérêts sont souvent des intérêts particuliers et ne sont pas vraiment pas au service de tous. (…)

 

La sensibilité pour la vérité sera toujours écrasée par la sensibilité aux intérêts particuliers. Je trouve significatif que Habermas parle de la sensibilité pour la vérité comme d’un élément nécessaire dans le processus d’argumentation politique, réinsérant ainsi le concept de vérité dans le débat philosophique et dans le débat politique.

 

Mais vient alors, inévitable, la question de Pilate : Qu’est ce que la vérité ? Et comment la reconnaître ?(…) Qu’est-ce qui est raisonnable ? Dans chaque cas, on s’aperçoit de manière évidente que, dans la recherche du droit de la liberté, de la vérité de la juste vie en commun, il faut écouter des instances autres que les partis et les groupes d’intérêts, sans du tout vouloir minimiser leur importance. (…)

Le péril dans le monde occidental – pour ne parler que de celui-ci – est aujourd’hui que l’homme, considérant la grandeur de son savoir et de son pouvoir, laisse tomber la question de la vérité. Et cela signifie, dans le même temps, que la raison se plie, pour finir, aux pressions des intérêts et à l’attraction de l’utilité, contrainte de la reconnaître comme le critère ultime. (…) La raison perd le courage pour la vérité et ne grandit plus, devenant ainsi plus petite. Appliqué à notre culture européenne, cela signifie ceci : si elle ne veut s’autoconstruire que sur la base du cercle de ses propres argumentations, et sur ce qui la convainc sur le moment, si préoccupée de sa laïcité, elle se coupe des racines qui la font vivre. Non seulement elle ne gagne pas en rationalité et en pureté, mais elle se décompose et se brise. (…)

Le pape « ne doit sûrement pas chercher à imposer aux autres la foi sur un mode autoritaire, elle qui ne peut être seulement donnée en liberté », mais « il est de sa mission de maintenir éveillée la sensibilité pour la vérité, d’inviter toujours à la raison à semettre à la recherche du vrai, du bien, de Dieu. »

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Quand Le Monde cessera-t-il ses à peu près en matière religieuse?

Le problème n’est pas spécifique au Monde. De manière globale, si l’on excepte bien sûr La Croix, les médias racontent à peu près n’importe quoi sur les religions. Pourquoi? Parce qu’ils ne les connaissent pas et qu’il n’existe (presque) plus de journalistes spécialisés en la matière.

Au Monde, il y a Henri Tincq. Il est même spécialiste de la religion catholique. Ou même, encore, spécialiste dans le dézinguage systématique de tout ce qui, au sein de l’Eglise, est un peu trop proche du Vatican. Patrice de Plunkett parle régulièrement de ses approximations.

Aujourd’hui, on sera (ou pas) surpris de lire dans le célèbre quotidien du soir, sous la plume de Stéphanie le Bars (remplaçante temporaire à la rubrique?), un très bel article intitulé « Benoît XVI célèbre une messe empruntant au rite ancien ».

Le résultat est très joli. On avait déjà démontré qu’en matière de rite et surtout quand il s’agit de latin, comme on l’avait vu en ce qui concerne le Motu Proprio, les médias s’embrouillent, s’emmêlent, pataugent complètementIci, cette journaliste nous explique ceci : « Célébrant la messe dominicale dans la chapelle Sixtine, à Rome, dimanche 13 janvier, le pape Benoît XVI a utilisé un autel ancien placé contre le mur, tournant à plusieurs reprises le dos aux fidèles, selon un rite qui n’avait plus été observé en public par un pape depuis le concile Vatican II (1962-1965). »

Tournant à plusieurs reprises? Dans la messe St Pie V, si c’est celle dont parle notre béotienne, on tourne le dos aux fidèles, mais pas seulement à plusieurs reprises.

Il y a mieux : plus loin, Le Monde indique que cette messe a été célébrée « en italien ». Les messes St Pie V se déroulent en latin, si je ne m’abuse. Voilà pour les imprécisions. L’auteur parle d’un événement auquel elle n’a pas assisté, à partir de dépêches d’agence vaguement compilées. Erreur!

D’ailleurs, il suffit d’aller jeter un coup d’oeil chez Zénith pour lire la réponse du Vatican à ce sujet :

 

« Le pape a célébré l’Eucharistie à l’ancien autel situé au-dessous du Jugement universel, au lieu de faire installer au centre, sur une estrade, un autel supplémentaire, « pour ne pas altérer la beauté et l’harmonie de ce joyau architectural », explique une note vaticane.

Le pape s’est ainsi parfois retrouvé « le dos aux fidèles et le regard tourné vers la Croix, orientant ainsi l’attitude et la disposition de toute l’assemblée », tout en utilisant le Missel ordinaire, et non celui qui précède le Concile Vatican II. »

Mais ça, les lecteurs du Monde n’auront pas le droit de le savoir!

Finalement, il n’est pas compliqué d’aboutir à la conclusion que cet article a un seul but : décribiliser le pape, et tenter de faire croire (comme Le Monde le fait depuis des mois et des mois) que le Vatican a basculé du côté de l’intégrisme, qu’il s’est allié aux Lefévristes. C’est un article à charge, sans aucun recul. Car côté commentaires fielleux, la journaliste n’est pas en reste. C’est drôle, parce qu’on croyait se rappeler qu’en école de journalisme, on apprenait à scrupuleusement séparer les faits des commentaires. Stéphanie le Bars, elle, adore confier son opinion dans ses articles. Celui-ci débute ainsi : « Faut-il y voir un nouveau signe adressé à la frange la plus conservatrice de l’Eglise catholique ? «  Le ton est donné, ça y est, Benoît XVI est avant tout procès jugé coupable de conservatisme, l’horreur! Vous rendez-vous compte?

Plus loin : « Quelques mois plus tôt, en mars, le pape avait affiché des positions particulièrement conservatrices sur la vie et les rites de l’Eglise. Il y rappelait le caractère obligatoire du célibat des prêtres et l’interdiction de sacrements faite aux divorcés remariés ». Des thèmes absolument pas conservateurs : tous les papes ont toujours, à toutes les époques, parlé du mariage comme un sacrement indissoluble. Quant au célibat des prêtres, on pourrait en parler des heures, mais on aimerait que ceux qui ne sont pas concernés par cette question (c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas catholiques) arrêtent d’exiger de l’Eglise qu’elle modifie une règle qui ne les concerne pas, ni de près, ni de loin.

On aimerait bien que Stéphanie le Bars publie un rectificatif après cet article partial, et surtout mensonger. On va demander. Mais on ne se fait pas trop d’illusions!

EDIT. – Ah, une petite précision sur les différences entre rites prétendument « ancien » et « nouveau ». Je trouve cet extrait du site Eucharistie Miséricordieuse tout à fait éclairant sur ce point :

Le terme « ancien », évoque ici, bien sûr, la messe dite “de saint Pie V”. C’est-à-dire le rite “d’avant”, d’autrefois, celui qui est censé ne plus exister. Il aura échappé à Dame Chroniqueuse que le motu proprio de juillet 2007 – qu’elle évoque pourtant dans son papier – indique explicitement que s’il existe deux formes d’expression rituelle, l’une ordinaire, selon l’ordre de 1969, que l’on appelait jusque-là la “messe de Paul VI” ; l’autre extraordinaire, selon l’ordo de 1962, que l’on appelle désormais la “messe du bienheureux Jean XXIII”, il n’existe qu’un seul rite romain. Comme elle semble l’ignorer, cette dernière forme liturgique est celle qui a été suivie pratiquement pendant tout le concile Vatican II.

Or les deux formes liturgiques évoquées ont droit de cité dans l’Eglise, même si nombre de clercs ne s’en sont toujours pas rendu compte, ou ne s’y sont pas encore résignés. En sorte que ces deux formes liturgiques d’un seul et unique rite romain sont toutes deux actuelles. La dialectique entre un rite ancien et un rite nouveau n’est donc plus de mise, à la fois pour qui suit un peu l’actualité et pour qui sait lire un texte comme le motu proprio évoqué plus haut.

En tant que catholique, je me moque de ces histoires de rite… C’est du détail selon moi. Je pense que Dieu se moque d’être honoré en français, en italien ou en grec. Dans le même temps, je respecte ceux qui sont attachés à d’autres formes de prière. Que les médias et les incroyants, que ne cessent de se croire les plus tolérants du monde, viennent se mêler de cette soupe interne me laisse sans voix, surtout si c’est pour raconter des blablas!

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Is it really a « free world »?

Si vous avez 8 € à dépenser, que vous avez l’esprit critique, que vous aimez réfléchir et que les questions de société vous intéressent, donnez vous la peine d’aller voir It’s a free world. Ken Loach, qui avait remporté la palme d’or du festival de Cannes 2006 avec le brillantissime Le vent se lève, écrit une fois encore un film engagé. L’histoire est simple et se déroule à Londres : une jeune femme de 33 ans est virée de son job de recrutement d’est-européens. Avec son amie Rose, Angie décide de se mettre à son compte et de créer une agence d’intérim offrant aux usines de la main d’oeuvre issue de l’immigration (d’abord légale puis clandestine) et donc à prix ultra compétitifs. On la voit glisser, petit à petit. Être tentée par l’exploitation de ces étrangers impuissants et prêts à tout pour gagner quelques livres. Et succomber à l’égoïsme, à l’argent facile.

Ken Loach, qui réalise un film magistral, a bien sûr pour ambition d’ouvrir un débat, de poser des questions, de faire réfléchir. Sur ce plan là, c’est réussi. Il ne prétend pas apporter de réponse et son film a ceci de postitif qu’il est un regard qui ne juge pas mais qui se contente de constater une réalité dont on parle peu : l’immigration clandestine et son exploitation, sur laquelle un maximum de gens ferment les yeux.

A mon sens, cette oeuvre permet d’ouvrir deux types de débat : un débat sur l’immigration en elle-même : où doit se placer la justice dans l’accueil? Et puis un débat plus global sur notre système économique, sur les valeurs, les ressorts qui le fondent, sur son avenir… On se contentera d’aborder celui-là.

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. – La citation devrait également s’appliquer en ce qui concerne le système économique dans lequel nous vivons.  Ou plutôt, que nous subissons. Je ne parle pas du libéralisme, terme qu’on emploie à tort et à travers, mais de la globalisation, de la mondialisation. De ce régime économico-politique qui veut imposer à tous la démocratie, sous prétexte d’exporter partout le marché unique. Qui prétend à l’universalité des droits de l’homme, mais les impose avec le fusil tout en approuvant un système qui broie l’humain.

J’ai tendance à aimer la notion de libéralisme. Parce que ce mot contient le mot liberté, parce qu’il n’est pas qu’une théorie politique, mais également philosophique et politique. Parce qu’il concerne bien plus Chateaubriand qu’Alain Madelin. Parce que les libéraux veulent faire confiance à l’homme, alors que les socialistes veulent les infantiliser, leur dire ce qui est bon au mauvais, et à la limite, décider à leur place. Je trouve qu’il est raisonnable de laisser l’Etat à ses fonctions les plus régaliennes, de confier le reste au privé. Je trouve louable la loi de l’offre et de la demande. Je trouve louable la loi de la concurrence, qui est saine et tend à rendre service au consommateur…

Tous ces principes sont positifs, et s’appliquent correctement dès qu’il existe une forme de consensus moral entre tous et que ce consensus est respecté sous la contrainte. Un savoir-vivre commun et consenti. Ou au moins, un contrôle de l’Etat sur l’économie. Un contrôle intransigeant. D’ailleurs, c’est le cas depuis des siècles! Mais à partir du moment où on croit en la liberté totale, et qu’on la laisse faire, comment s’étonner qu’on en vienne à rendre esclaves des clandestins? Qu’au lieu de concurrence, on assiste dans certains domaines au mieux à des ententes (téléphonie, internet…), au pire à des monopoles (systèmes d’exploitation informatique)? Qu’on veuille récompenser les actionnaires au mépris de l’intérêt économique même des entreprises? Un ami me confiait récemment que la société dans laquelle il travaille, qui est au CAC 40, allait délocaliser une partie de sa production en Europe de l’est. Il est chargé d’une partie du projet, et il m’a assuré que le gain serait minime… Un autre est maître d’oeuvre dans le batiment et me répète que le travail clandestin est monnaie-courante. Que l’Etat s’en moque, que les contrôles sont trop rares. Forcément, on veut réduire le train de vie de ce même Etat! Le serpent se mord la queue.

Il y a bien un moment où il faut se réveiller. J’entends déjà les bien-pensants répondre que la mondialisation est une chance pour la France (d’ailleurs, les mêmes que les partisans du TCE…). Que les délocalisations sont nécessaires, qu’on en peut pas faire autrement, que la main d’oeuvre est trop chère. « Trop chère ». Mais tout ce contexte est le fruit de décisions politiques, non? On ne s’est pas retrouvé, du jour au lendemain, avec des produits chers, une main d’oeuvre chère, et des Chinois qui produisent mille fois plus que nous! Rien qu’en Europe, on vient d’élargir l’espace Schengen. Et on n’arrête pas d’élargir par idéologie, juste pour élargir. Vous trouvez ça sain, vous, qu’il existe tant de gens qui aient envie de quitter leur pays, leurs amis, leur famille, leurs repères, pour aller travailler comme maçons dans les pays soi-disant riches? Et qu’on ne fasse rien, ou si peu, pour les aider et nous protéger du dumping social?

Je crois que tout serait possible si une morale existait, si on ne laissait pas passer des injustices évidentes, si on croyait en l’action de l’Etat, si celui-ci servait à nous protéger et pas seulement du point de vue de la santé. Croit-on que le New deal de Roosevelt serait encore possible aujourd’hui? En voulant tuer l’Etat au sens socialiste du terme, on a tué aussi les possibilités de résistance à ce cadre global, à l’internationalisation. Dans It’s a free world, Ken Loach a d’ailleurs choisi de présenter ce sujet du point de vue des exploiteurs, et on voit bien que rien autour d’eux ne les arrête. Ils sont effectivement libres… Angie a de bonnes raisons d’agir ainsi. Elle a des crédits, un fils difficile, elle même est une victime en quelque sorte…

J’aimerais vraiment connaître l’avis de ceux qui se prétendent libéraux. Ou qui le sont sans se l’avouer. Ceux qui pensent vivre dans un système positif, j’aimerais vraiment savoir ce qu’ils pensent du travail des immigrés clandestin. Parce que ce sujet est l’écume du reste, un des symptômes des maux de notre monde. Et je ne vois pas comment on peut les justifier.

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