Eviter les catastrophes?

Alors que les morts de Vendée et de Charente-Maritime ne sont pas encore enterrés, la polémique enfle déjà sur l’absence de remise en état des digues et la folie des constructions en zones inondables. Certains assurent même qu’il aurait fallu évacuer toutes les zones menacées avant la nuit fatidique au cours de laquelle une partie de la côte Atlantique a été submergée. Bigre!

Autant de remarques pertinentes, même si bien sûr, on peut toujours se désoler de ne les entendre, toujours , qu’après les catastrophes. Je me suis donc permis d’ironiser ce matin, en avalant mon café, sur le cynisme (l’opportunisme?) de ceux qui contestent le principe de précaution lorsqu’il s’applique à la grippe A, mais auraient souhaité qu’on l’applique de manière absolue dans ce cas précis : évacuer toutes les zones à risques, c’est bien de cela dont il s’agit.

On a contesté le plan gouvernemental contre la grippe A après coup, une fois que de nos yeux, on a vu que ce n’était pas la pandémie qu’on nous avait promis. De même, ici, on critique l’absence d’anticipation des autorités après coup, une fois qu’on sait ce qu’il est advenu du littoral vendéen.

Est-ce pertinent? Et est-ce même rationnel? La vie, ce n’est pas cela. Ce n’est pas continuellement s’interroger sur les risques encourus. Jacques Rosselin me répond ceci, toujours sur twitter : « Il est vrai qu’à gauche on croit plus volontiers à la rationalité humaine qu’au châtiment divin… » Sous-entendu : il n’y a rien qui relève de la fatalité. Tout a une cause, qu’on peut identifier et contre laquelle on peut lutter et qu’on peut donc toujours vaincre. L’Homme peut tout anticiper, car tout ce qui arrive est rationnel et donc prévisible. Je ne vois pas ce que vient faire la gauche là-dedans, mais le discours peut s’entendre. Je ne vois pas non plus ce que vient faire ici le châtiment divin, mais J. Rosselin a ceci de passionnant qu’il est, lui, très prévisible sur ses fantasmes à l’endroit des croyants.

D’ailleurs, le discours selon lequel on ne devrait pas construire en zones inondables s’entend également. Personne ne conteste le fait qu’il soit bon de se prémunir contre les risques, et de réfléchir aux causes des catastrophes pour éviter que leurs conséquences soient trop dramatiques. Mais la catastrophe, elle, pourra-t-on jamais l’éviter?

A l’évidence, quand la souffrance n’a aucune signification, quand on ne croit pas au surnaturel, on est bien obligé de se tourner vers la « rationnalité humaine », comme dit M. Rosselin. Et ce n’est pas mauvais en soi.

Sauf que le problème, c’est qu’à ne compter que là-dessus, on sera forcément toujours déçu. Le but ultime, dans nos sociétés qui n’acceptent plus le risque, et encore moins celui de la mort, serait de pouvoir tous éviter notre propre fin, ce qui est impossible. Vouloir tout rationnaliser au point d’éviter tout risque, vouloir toujours trouver un responsable en cas de malheur, c’est définitivement vain, c’est une course sans fin : on ne pourra jamais tout maîtriser.

Faut-il accrocher toutes les branches d’arbre avec des cordes, pour éviter qu’elles nous tombent dessus en cas de coup de vent?

14 Commentaires

Classé dans Chafouinage, Société

14 réponses à “Eviter les catastrophes?

  1. pourquoisecompliquerlavie

    Sur le fond, vous imaginez aisément que je suis totalement d’accord avec vous. Aujourd’hui, la « faute à pas de chance » est une idée qui a totalement disparu des causes possibles d’événements.

    Pour ce qui concerne l’évacuation des zones à risques, c’est se foutre du monde. Les Zones à risques sont connues, répertoriées et dans des régions où les municipalités sont sérieuses, elles ne sont pas constructibles. Ces zones à risques n’étaient pas construites il y a 50 ans, tout simplement parce qu’on savait qu’en construisant là, on construisait au mieux pour 20 ans.

    Aujourd’hui, on y construit, parce que impôts locaux pour les municipalités, parce que moins cher que centre ville pour les futurs proprio, parce que bord de mer pour les vacances plus chouette que centre ville… et d’autres raisons de confort.

    Or de deux choses l’une : on ne construit pas si on veut quelque chose à risque réduit ou on construit en sachant qu’il y a un risque mais on ne pleure pas sur le fait que le risque aurait pu/dû être évité et que c’est forcément de la faute de quelqu’un d’autre que de celui qui a décidé d’acheter un truc en zone à risque.

    C’est marqué sur les actes d’achat !!!!!!!!!!!!!! Ils ont pris le risque, ils ont complètement oublié qu’ils l’ont pris et c’est vrai qu’ils pleurent de bonne foi.

    Alors, je trouve cela un peu facile : pas de mémoire, pas de responsabilité, et c’est les autres qui supportent la merde dans laquelle j’ai voulu me mettre pour mon confort ! Non !

    Autre truc exaspérant, les cotis de CAT NAT sont assises sur les « risques incendie » c’est-à-dire sur dans risques absolument sans aucun lien. Essentiellement payées par les entreprises alors qu’elles en subissent peanuts.

    Ras le bol. Moi, très énervée.

    PS : vous êtes allé plus vite que moi sur ce post. Je le voulais aussi, donc mon commentaire vous tombe dessus 😉 Mais vous avez raison de le faire. Sur le fond, vous avez raison, et dans ce cas là vous avez d’autant plus raison que la catastrophe pouvait être évitée si l’appât du gain ou l’appât des économies ne dirigeait pas l’essentiel de nos décisions.

  2. pourquoisecompliquerlavie

    Dans l’énervement, je suis allée un peu vite.

    J’affinerai au fur et à mesure des commentaires…

  3. Pingback: Hashtable » Xynthia ou une tempête mal à propos

  4. jgf36

    Qui donne les permis de construire dans les zones inondables ?… Que suis-je bête ! Il y a des élections à gagner ! Et comme les tempêtes c’est pas tous les 6 ans, bah, on continue… et on prend l’eau !

    En tout cas, moi, je ne vis pas dans une zone inondable (sauf à faire déborder la baignoire), ni une zone sismique (sauf à sauter sur le plancher), ni au milieu de la garrigue qui prend feu tous les étés. Et j’ai un paratonnerre. Mais, c’est vrai, je n’ai pas encore de détecteur de fumée.

    En même temps, si ça brule, je pourrais toujours dire que la loi n’est pas passé assez tôt, que le constructeur de ma maison n’en a pas mis (en 1880 ! J’attaquerais ses arrières arrières arrières petit enfants…)…

    Faudrait p’t-être installer un détecteur de crétin, aussi ?… Un détecteur de la bêtise humaine ? Mais j’ai peur de devenir sourd, il risque de sonner souvent…

    Pour redevenir un peu plus sérieux, que ce soit pour la grippe A ou les inondations, tant que notre société n’arrêtera pas de chercher des coupables à tout ce qui se passe, le principe de précaution restera une douce illusion (parfois aussi, dure et brutale).

  5. Très bon billet. Finalement, c’est le problème de nos sociétés hyperlaïques: quand on ne peut plus crier à Dieu, comme Job, on s’en prend à ce qu’on peut. Quand on ne peut en vouloir au Boss, on s’en prend au POS. Logique.

  6. billet intéressant. j’ai un chouilla de réserve sur ton expression « A l’évidence, quand la souffrance n’a aucune signification, quand on ne croit pas au surnaturel, on est bien obligé de se tourner… ». Il me semble que la souffrance comme le Mal nous confrontent à la question du « Non-Sens » justement, et le Christ, en choisissant de souffrir avec ne lui donne pas complètement un sens mais la possibilité de passer avec lui au travers jusqu’à la Promesse de Vie. mais ça ne change rien à ton article.
    Le Christ lutte de toute sa vie pour éloigner les hommes de la souffrance. il ne lapide pas plus l’homme adultère qu’il ne délivre la femme du châtiment promis. Enfin bref. J’écris dans tous les sens mais tu m’as compris.

  7. @ Natalia : « Quand on ne peut en vouloir au Boss, on s’en prend au POS. » Excellent ! 😀

    @ David : oui, la question du mal, à peine quelques semaines après le séisme en Haïti, qui revient à la charge.

    Et si on réfléchissait, un peu, avant d’agir n’importe comment ? Et si on tournait « sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler », comme le disait un Walt Disney de mon enfance ? Le coup de la « catastrophe nationale », en particulier, me fait bondir… Bref.

  8. Je pense que les premiers responsables sont ceux qui ont attribué les permis de construire. « Zone inondable », celà peut vouloir dire avoir les pieds dans l’eau une fois par siècle. Qui aurait pu imaginer que cela signifierait « être noyé dans son lit » ?
    Mais les rapports eux, ne mentent pas. Il existe certaines zones plus inondables que d’autres. Ce n’est pas le péquin moyen qui a accès à ces rapports, mais bien les décideurs.
    Lorsqu’on voit que le maire de la Faute-sur-mer est allé jusqu’au tribunal pour arracher l’autorisation d’implanter un camping dans une zone où cela était interdit, on peut douter qu’il se soit jamais posé la question du principe de précaution.
    Encore et toujours, la Nature est la plus forte. Que sommes-nous, pauvres homoncules, avec toute notre technologie et nos assurances ?

  9. Billet intéressant.
    Sur le fond, il me semble que la recherche de responsables (voire de coupables) et de causes est assez humaine. On essaie de comprendre, on veut des explications tellement le drame apparaît choquant : des gens noyés dans leur propre maison alors qu’on prône partout la sécurité absolue, ça fait désordre… Il me semble donc que cette volonté de comprendre et de proposer des actions correctives est assez naturelle et guère condamnable sur le fond, d’autant plus qu’il apparait que ce sont bien des erreurs humaines en terme de décisions qui ont indirectement conduit au drame.

    Quant au « Autant de remarques pertinentes, même si bien sûr, on peut toujours se désoler de ne les entendre, toujours , qu’après les catastrophes », on pourrait répondre que si les problèmes avaient été traités, le drame n’aurait probablement pas eu lieu, ou en tous cas pas dans les mêmes proportions. Éternelle insatisfaction qui pousse à ne remarquer que les trains qui arrivent en retard!

    Mais je comprends l’agacement bien légitime devant le spectacle de ces gens qui prétendent vouloir régenter même l’incontrôlable. Admettons nos limites devant la nature, plutôt que de vouloir nous considérer comme des dieux. Fais ce que peut, advienne que pourra.

  10. Thaïs

    @PSCLV ; juste quelques précisions : »Autre truc exaspérant, les cotis de CAT NAT sont assises sur les « risques incendie » c’est-à-dire sur dans risques absolument sans aucun lien. Essentiellement payées par les entreprises alors qu’elles en subissent peanuts.  »
    Les cotisations sont calculées sur des risques Incendie car c’est le risque principal (mais cela inclut la tempête que ce soit pour les particuliers ou les entreprises et elle est aussi calculée sur les risques autos. Les entreprises subissent de plein fouet la tempête et prennent en général des garanties pertes d’exploitation après tempête pour se prémunir conte l’arrêt de leur activité suite à dommages.
    cependant d’une manière générale le risque d’inondation en France n’est pas couvert par les garanties « tempete » classique, c’est la raison pour laquelle il faut un arrêté de catastrophe naturelle. La cotisation sert à alimenter un fonds géré par la Caisse Centrale de réassurance (cie d’état) et c’est celle-ci qui rembourse les sinistres. les compagnies d’assurance classiques ne servent que d’intermédiaires et de prestataires de services pour l’évaluation des sinistres . C’est l’état qui fixe les taux de cotisations supplémentaires (cat nat) à ajouter à la cotisation de base des assureurs.
    Bon je suis loin du billet du chafouin mais il a l’habitude avec moi, excuse chafouin. Tu as raison on ne peut tout maitriser et puis compte tenu du fait que le plan d eprévention des risques est un document assez récent il est à craindre que ce même genre de catastrophe se reproduise.

  11. pourquoisecompliquerlavie

    @Thaïs
    Je ne parlais que du financement du fonds CAT NAT. Quand je disais cotisations, je parlais justement de la contribution des assureurs au fonds d’état, qui n’est d’état que de nom. C’est bien sur la base des primes des ass incendies que la contrib des assureurs est fixée. Elle pèse sur entreprises dans un rapport de 12 à 8 par rapport aux particuliers alors que ce sont les particuliers qui bénéficient le plus des indemnisations CAT NAT. Cf les estimations d’aujourd’hui pour cette dernière tempète…

  12. @PSCLV

    Le hic, c’est que ces zones, on sait très bioen qu’elles sont inondables. C’est juste idiot qu’on le découvre quand il y a des morts…

    la catastrophe pouvait être évitée si l’appât du gain ou l’appât des économies ne dirigeait pas l’essentiel de nos décisions

    Certes, mais mon propos était surtout de dire : peut-on éviter toutes les catastrophes? N’est-ce pas le signe d’un énorme orgueil humain que de le croire?

    @jgf36

    « tant que notre société n’arrêtera pas de chercher des coupables à tout ce qui se passe, le principe de précaution restera une douce illusion »

    Le principe de précaution est de toute manière une douce illusion…

    @Natalia

    Pas mal le coup du POS 😉

    @David

    Je voulais dire que quand on croit en Dieu la souffrance peut prendre un sens. Quand on croit à la vie surnaturelle, à la vie éternelle, on peut se dire que cette souffrance n’aura qu’un temps. Quand on ne croit qu’au moment présent, c’est un peu plus compliqué, bien évidemment… Je pense que tu ne dis pas autre chose!

    @La femme des steppes

    Faut-il le rappeler, cette tempête a été absolument EXTRAORDINAIRE. Ce qui signifie que le « zone inondable » ne signifiait pas du tout « vous allez mourir dans votre lit, noyé ». Un peu comme si tu habitais à côté d’une forêt et que celle-ci s’effondrait sur ta maison à l’occasion d’un ouragan gigantesque.

    @laloose

    Je ne remets pas en cause le principe de chercher un responsable, mais le fait que ce soit systématique. Comprendre, et chercher à améliorer le système pour éviter qu’un même drame se reproduise, c’est humain et naturel. C’est plutôt le côté « la rationnalité vaincra » qui m’énerve : il n’y a rien de plus faux, et la nature nous le rappelle chaque année.

    Et sinon, eh bien oui, je m’étonne qu’on ne parle de ce problème qu’à l’occasion de cette catastrophe.

    @Thaïs

    Tu es tout pardonnée 😉

    Tu travailles dans les assurances? Moi, vos histoire, j’y comprends rien!

  13. Bonjour !

    je vous lis souvent, mais ça doit être mon premier commentaire…
    Je suis d’accord avec votre constat. Cet état d’esprit est très répandu et me rappelle une histoire racontée par mon prof d’économie financière, qui est banquier par ailleurs.

    La plupart des banques proposent des contrats qui permettent de « profiter des hausses des marchés sans subir les pertes ». Ce sont des portefeuilles composés d’obligations, d’actions et d’options dans des proportions savamment calculées, qui permettent que, au pire, on ne perde rien, et que, au mieux, on gagne (mais pas autant que si on avait investi dans un indice, évidemment ).

    Ce genre de produit attire évidemment beaucoup les épargnants (la rentabilité sans le risque ! vous imaginez !), mais invariablement il suscite des réclamations après coup :
    – si les marchés ont chuté, les épargnants se plaignent : ils n’ont rien gagné, c’est scandaleux
    – si les marchés ont fait une belle performance, les épargnants se plaignent : s’ils avaient investi dans l’indice directement, ils auraient gagné plus.

    Bah oui. La moindre rentabilité est juste le paiement de l’assurance contre le risque, mais c’est apparemment très compliqué à comprendre…

    Je crois que pour le principe de précaution, c’est pareil…

  14. @Marie : le grand scandale de ce genre de « produit », c’est de faire croire aux gens qu’on crée de l’argent à partir de rien. Si certains gagnent, d’autres perdent forcément. Au mieux ce sont d’autres amateurs de loto qui auront perdu, au pire des salariés tout au bout de la chaîne.
    Gagner de l’argent sans rien faire, dans un espèce de casino virtuel. Belle modernité.

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