Quand l’impertinence bobo-parisienne de Canal + va trop loin

Voilà ce qui peut se produire quand on est sans cesse sur le fil du rasoir entre humour et mauvais goût. Hier, une équipe d’Action Discrète (Canal +) a été interpellée par la police à Calais, et fait l’objet d’une plainte du préfet du Pas-de-Calais. En cause : un reportage pour lequel les membres de l’émission se seraient déguisés en policiers pour proposer aux Calaisiens de faux-migrants comme animaux de compagnie.Action Discrète, c’est drôle une fois, lourdingue deux fois, très limite dix fois. Mais c’est le fameux « esprit Canal », donc on laisse faire. C’est forcément drôle. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est que vous n’avez rien compris. Hier, une partie des membres de l’équipe se seraient déguisés en policiers, pour aller sonner aux portes des Calaisiens. Rapidement la police a été alertée, devant le comportement très étrange de ces individus.

« Ces personnes se présentaient chez des particuliers, munis de faux uniformes, de fausses cocardes tricolores, de fausses cartes de visites, de faux ordres de missions du ministère, en tenant en laisse des comédiens grimés et présentés comme des +migrants à adopter comme animaux de compagnie+ », a annoncé hier Eric Besson, qui dénonce « cette mise en scène inacceptable, reposant sur la falsification de documents officiels, sur une caricature mensongère et insultante du travail des services de police et de gendarmerie, et sur la diffusion d’une image dégradante et humiliante de ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui sont les victimes des filières de l’immigration clandestine, et qui méritent notre respect ».

Plus que l’humiliation pour les migrants, puisqu’on imagine qu’Action discrète comptait prendre leur défense par l’absurde, c’est bien la caricature insupportable de l’action de la police qui est en cause ici. Tout se passe comme si, au sein d’une certaine élite, ou plutôt, au sein d’un ramassis d’artistes, d’intellectuels et de journalistes parisiano-branchés déconnectés de la réalité (Canal + en fournit d’importants bataillons), il était acquis que la police était grosso modo une bande de fachos. Et le ministère de l’Immigration, forcément un repaire de supposés racistes. Faut-il porter plainte, comme l’a fait le préfet du Pas-de-Calais Pierre Bousquet de Florian? Cela se discute.

Ces énergumènes tombent en tout cas à pieds joints dans le panneau d’un gouvernement qui pour complaire à une certaine droite, se vante – à tort – de ses exploits en matière d’expulsions, mais concrètement, pratique une politique qui n’est guère différente de celle que la gauche appliquerait si elle était au pouvoir. Certes, les clandestins sont plus inquiétés qu’avant. Mais combien entrent en France chaque année? Combien sont régularisés? Combien obtiennent la nationalité française? Combien travaillent au noir, dans le BTP, dans la restauration, dans l’indifférence générale? Voilà des chiffres dont on aimerait beaucoup disposer. Je parie ma selle et mes bottes qu’ils sont similaires à ce qui existait sous Jospin. Alors forcément, pour se montrer ferme aux yeux du grand public, le ministère traque ceux qui ne remplissent pas les conditions pour rester.

Le gouvernement est ainsi victime de sa propre stratégie qui consiste à exagérer le trait pour faire croire qu’il maîtrise les flux internationaux. Ce qui est évidemment faux : il suffit de voir avec quelle rapidité, après le démantèlement de la « Jungle », les migrants sont revenus occuper le terrain…