Travail dominical : les 41 « courageux » de la majorité n’ont pas suffi

Les zones touristiques concernées.

Les zones touristiques concernées.

Ils étaient une cinquantaine de députés de la majorité, l’automne dernier, à manifester bruyamment leur refus du texte présenté par Richard Mallié sur l’extension des dérogations au travail dominical. Hier, ils n’ont été que 11 à voter contre un texte bien pire, et 30 à s’abstenir. Sans compter 17 qui n’ont pas pris part au vote. Entre temps, les leaders du front automnal ont abandonné leurs troupes. Un texte qui fera date, et qui illustre l’abandon, à droite, d’une certaine vision de la vie, et la supériorité de la valeur économique.

C’est fait. Richard Mallié a enfin eu satisfaction, et la zone commerciale de Plan-de-Campagne, située dans sa circonscription des Bouches-du-Rhône, pourra enfin ouvrir le dimanche sans risque. Jusqu’ici, elle violait la loi ouvertement, désormais elle aura sa bénédiction. Les lobbyistes ont fait du bon travail.

Nicolas Sarkozy a enfin gagné sa petite bataille pour satisfaire ses amis de passage à Paris : ils pourront faire leurs courses peinards, sans se heurter à ce mur idiot de conservatisme représenté par cette affichette « close-fermé », symbole de la barbarie française. C’est déjà ça de gagné : il cessera de nous casser les oreilles avec ses caprices de gamin.

Cette loi dont l’intitulé, « réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires », en dit long sur l’hypocrisie, a donc été adoptée hier après-midi à l’Assemblée nationale.

Quand elle sera effective, après un passage au Sénat, la promulgation, et un éventuel recours devant le conseil constitutionnel, cette loi vous permettra, vous qui habitez dans une des 500 communes touristiques et/ou thermales de France (soit la moitié de la population), de faire vos courses quand vous voudrez le dimanche. Enfin, seulement jusqu’à 13h dans les supermarchés, conservatisme insupportable oblige. Vous, qui êtes patron d’un commerce de détail, vous aurez le droit d’ouvrir le dimanche sans contrepartie. Vos employés ne pourront rien dire : la loi vous oblige certes à engager des négociations sur le sujet, mais sans obligation de résultat. A la limite, vous pourrez les engager le vendredi soir et les refermer le lundi matin. Ce sera déjà bien.

Vous qui habitez une PUCE (agglos de Paris, Marseille-Aix et Lille), vous pourrez aussi faire vos courses, chouette. Employés, vous pourrez cette fois avoir double salaire ou refuser de travailler le dimanche. En théorie, on ne pourra pas vous y forcer, ni refuser de vous embaucher pour ce motif. En pratique, on le fera quand même. De toutes façons, les PUCE sont aussi des zones touristiques…

En revanche, si vous habitez à Strasbourg, comme Napoléon y a signé un concordat au début du XIXe, qui est toujors en vigueur, cette loi ne vous concerne pas. Non plus que si vous êtes installés à Lyon, où les élus UMP ont été persuasifs. A Lille, pas de bol, il n’y a que des socialistes…

Votée à 282 voix contre 238, cette loi a donc été adoptée au forceps, preuve du malaise qui a règné dans les rangs de la majorité. L’intégralité du groupe socialiste, des Verts et des communistes ont voté contre, tout comme les députés non-inscrits, parmi lesquel François Bayrou, Nicolas Dupont-Aignan. On remarquera toutefois que Philippe de Villiers avait mieux à faire : il était absent hier, et n’avait pas donné de consigne de vote. (modification effectuée sur indication d’un avisé lecteur : M. de Villiers n’est pas député mais député européen. Toutes mes excuses pour cette erreur regrettable. Les deux députés MPF ont bien voté contre le projet Mallié).

Dix élus UMP sont allés jusqu’au bout de leurs convictions et ont voté contre : MM. Xavier Breton, Yves Bur, Lucien Degauchy, Guénhaël Huet, Denis Jacquat, Hervé Mariton, Jean Ueberschlag, Christian Vanneste, Gérard Voisin et Mme Marie-Jo Zimmermann.

Quinze se sont abstenus : M. Yves Censi, Mme Marie-Christine Dalloz, MM. André Flajolet, Jean-Pierre Grand, Jean-Jacques Guillet, Michel Heinrich, Mme Marguerite Lamour, MM. Jacques Le Guen, Jacques Le Nay, Jean-Philippe Maurer, Christian Ménard, Jean-Marie Morisset, Etienne Pinte, Michel Piron et Lionel Tardy.

Au Nouveau Centre, un seul député (Thierry Benoit) a voté contre. Cinq se sont abstenus (MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Jean-Luc Préel et François Rochebloine).

En revanche, les leaders de la fronde de novembre-décembre, Jean-Frédéric Poisson, Marc Le Fur, Philippe Meunier, François Baroin, ont non seulement co-signé la proposition de loi, mais l’ont voté sans souci. D’autres députés connus pour leurs positions humanistes, tels que Jean Leonetti, Pierre Méhaignerie, Hervé Gaymard, Hervé de Charette, se sont joints à eux, alors qu’ils n’ont eu de cesse, pendant l’examen du texte, de souligner ses carences! Je ne sais si l’urgence, le vote estival et le raccourcissement du débat a permis d’éviter une obstruction socialiste, mais ils ont à coup sûr affaibli les oppositions au texte!

La pression de l’Elysée était-elle trop forte? Ce qui est intéressant de voir, c’est que sur ce genre de débat très idéologique, très polarisant (qui est un vrai enjeu de société, contrairement à ce qu’ont tenté de nous faire croire Mallié et les propagandistes de l’UMP, qui ont voulu faire passer la pilule d’un texte purement technique), il n’y a « que » onze députés à droite à oser voter contre. Et trente à faire un premier pas en s’abstenant.

C’est à noter. Il n’y a que 41 députés seulement à droite qui, lorsqu’on leur demande de rompre un équilibre séculaire de notre société, refusent de se plier à cet ordre. Les autres ne sont pas des horribles démons pour autant : mais ils privilégient au reste une vision économique de la société. Elle est là, la mue de la droite. C’est un vrai changement. Le comble, c’est que c’est désormais la gauche qui défend les valeurs traditionnelles!

Il n’y a plus qu’une chose à espérer : que le Sénat amende un peu le texte. Et que le recours que le PS a promis de former devant le conseil constitutionnel trouve une issue positive : a priori, ce n’est pas impossible, vue l’inégalité de fait que crée la loi en toute décontraction entre les salariés, selon le lieu où ils habitent…

6 Commentaires

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6 réponses à “Travail dominical : les 41 « courageux » de la majorité n’ont pas suffi

  1. Ca va vite devenir un jour de travail obligatoire pour tout le monde.

  2. Lecteur

    Vous indiquez que de Villiers était absent lors duu vote d’hier sur le travail dominical mais Philippe de Villiers n’est pas élu à l’Assemblée Nationale mais au Parlement Européen.
    Par ailleurs, Dominique Souchet et Véronique Besse, députés MPF, ont voté contre si j’en crois le Figaro d’aujourd’hui : http://www.lefigaro.fr/politique/2009/07/16/01002-20090716ARTFIG00001-travail-dominical-majorite-etroite-a-l-assemblee-.php

  3. @Lecteur

    Toutes mes excuses, à vous, aux autres lecteurs et à M. De Villiers. C’est une méprise, je pensais qu’il était député… Je corrige tout de suite.

  4. do

    deux arguments, prélevés dans « la position de JF Poisson », co-signataire bien que « chrétien démocrate »:

    pour : l’économique.
    « Nous avons … considéré qu’entre le texte initial qui comportait des risques évidents de généralisation … et … l’ensemble des garanties présentées par cette dernière version, nous étions parvenus à une formule acceptable, qui tient compte de tous les intérêts en jeu : la situation des entreprises … qui se trouvent aujourd’hui menacées de fermer si elles devaient perdre …la possibilité d’ouvrir le dimanche ; la
    situation des territoires, dont certains sont très dépendants du tourisme ou du commerce frontalier, et qui ont besoin – parfois pour leur pérennité – d’une possibilité claire d’ouvrir le dimanche… le très faible risque de propagation du travail dominical…. » (devinette: dans « tous les intérêts en jeu », il y en a un qui semble un peu absent quand même! Lequel ? )

    contre : l’humain
    « Reste un point très important, qui nous a beaucoup préoccupés : la question du volontariat.
    Nous avons fait en sorte que la proposition de loi aille le plus loin possible dans ce sens, afin de
    protéger la liberté des salariés. Il nous semble qu’il est difficile de faire davantage. Cela étant, nous sommes conscients du fait que cette protection demeure fragile, et que pour certains salariés le volontariat pourra être contraint. Nous n’avons à ce stade pas de réponse à cette question, au-delà de ce qui a déjà été inscrit dans la proposition de loi. »

    Pour info, 3 personnes ont été licenciées pour avoir refusé de travailler le dimanche, alors que c’était pour elles impossible (garde d’enfant pour un salarié divorcé qui travaillait déjà le samedi; enfant interne ne revenant que le dimanche, pour une autre): ils sont aux prud’hommes, espérons que le conseil constitutionnel en tiendra compte! Avec le nombre de familles mono parentales et de couples en difficulté, c’est l’horreur, cette loi!
    http://www.lesmotsontunsens.com/licencies-pour-avoir-refuse-de-travailler-le-dimanche-5042

  5. Pingback: Effets économiques du travail dominical | Reversus

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