Rachida Dati mérite-t-elle cet acharnement?

Les commentaires sur l’accouchement de la ministre de la Justice, Rachida Dati, sont proprement hallucinants et montrent une façon très française d’envisager les problèmes : on sort une polémique pour la polémique, en allant jusqu’à soupçonner celle qui en est l’objet de l’avoir créée de toutes pièces…

Reprenons. Rachida Dati, ministre symbolique du gouvernement Fillon depuis mai 2007, a plutôt raté ses débuts place Vendôme.  Elle a en effet réussi le tour de force de se faire détester d’un grand nombre de magistrats, tout en semblant perdre le lien particulier de confiance qu’elle avait tissé avec Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Non sélectionnée dans le G7, ce groupe des ministres préférés du Président, Rachida Dati est apparue en disgrâce. Prête à être balayée au premier remaniement venu.

Puis est venu le temps de sa grossesse. Qu’on le veuille ou non, le Garde des Sceaux, qui a pourtant utilisé autant qu’elle le pouvait les pages glacées des journaux people, est restée sur la réserve pendant ces neuf mois. Elle ne s’est pas mise particulièrement en avant. Ceux qui réclament de la transparence, au nom d’une prétendue exigence démocratique, et qui veulent que le nom du père soit exposé sur la place publique, ne sont en réalité que de vilains petits curieux. Tout ce qu’on peut en dire, c’est que si Rachida Dati ne veut pas que ce nom soit révélé, c’est son affaire. En revanche, on peut en tirer comme conclusion qu’elle a voulu faire un bébé toute seule. Et que ce sera tant pis pour ce dernier.

D’autres s’indignent de la reprise très rapide de la ministre, qui est réapparue en public cinq jours après sa césarienne. Il y voient un mauvais exemple et un mauvais signe adressé aux employeurs : personnellement, mon premier réflexe a été d’admirer son courage, plutôt que d’y voir une remise en cause du droit au congé maternité, ce qui est relativement ridicule. Mais il y a encore plus comique : ceux qui pensent que Dati est sciemment sortie tôt de la maternité, pour qu’on parle d’elle. Aprèsq tout, certains croient bien aux extraterrestres… Les ministres font partie de ces travailleurs au régime très particulier, à l’instar des joueurs de foot ou des chefs d’entreprise. Ils sortent du droit commun : on ne leur demande pas, par exemple, de travailler 35 heures. Il s’agit du service de l’Etat, pas d’une agence bancaire ou d’une école primaire.

Comme dit Authueil, « chaque femme est libre de faire ce qu’elle veut, et un employeur qui veut vraiment se séparer d’une employée enceinte ou venant d’accoucher s’expose à des procédures judiciaires qu’il est certain de perdre. Faire pression pour écourter le congé maternité est bien entendu inclus dans les pratiques interdites, et si malgré tous les risques, certains employeurs veulent s’aventurer à le faire, ils n’ont nul besoin de brandir l’exemple de Rachida Dati ou d’une autre car usant de la contrainte, ils n’ont pas à persuader, et personne ne serait dupe d’une telle tentative de justification. »

Bien sûr, Ségolène Royal, qui lorsqu’elle était ministre, avait invité les journaux people à prendre des photos à la maternité, en 1992, en profite pour mettre son grain de sel et accuse Nicolas Sarkozy de « harcèlement moral » à l’égard de la ministre de la Justice. Franchement! On peut raisonnablement penser que Rachida Dati a voulu reprendre son activité au plus vite, pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui avaient prévu d’en profiter pour l’enterrer ou la remplacer au pied levé. Mais de là à imaginer Nicolas Sarkozy l’appelant à la maternité pour l’inciter à venir travailler, il y a un gouffre!

9 Commentaires

Classé dans Chafouinage

9 réponses à “Rachida Dati mérite-t-elle cet acharnement?

  1. Je n’ai pas trouvé, comme toi, qu’il y a eu un fort acharnement sur Dati à cette occasion d’une reprise rapide du travail. Cela a été commenté, beaucoup, c’est vrai, mais de l’acharnement critique, je n’ai pas forcément trouvé…

    Et c’est pour ça aussi que j’ai trouvé assez détestable, et fort mal à propos, l’interview de Ségolène Royal. Ce coté donneuse de leçon qu’elle a m’est de plus en plus insupportable…

    Qu’elle vive sa vie comme elle le souhaite Rachida Dati. Il me semble qu’il est toujours préférable de critiquer le politique sur son action que sur sa vie privée à elle. Et il ne semble pas que Rachida Dati, sur sa politique judiciaire, ses actes et sa méthode, soit profondément irréprochable. Nouvelle maman ou pas…

    Bonne semaine Chafouin

  2. Non mais franchement, qu’est-ce qu’on en a à foutre?!

  3. beh moi je la plains
    – de ne pas profiter au maximum des premiers moments avec son enfant
    – de ne pas pouvoir l’allaiter
    – de ne pas avoir un compagnon à ses côtés pour regarder à deux l’évolution de son petit bout…
    Elle veut jouer à la superwoman, tant mieux pour elle, c’est son choix et je le respecte. Et je suis d’accord avec toi il y a de l’acharnement et de la récupération politicienne.Encore un sujet que je zappe volontiers. Intéressons-nous à ce qu’elle veut encore changer.

  4. le chafouin

    @falcon

    Si tu cliques sur le lien, tu verras qu’elle ne fait pas QUE des bonnes choses au ministère… Je trouve même son bilan plutôt médiocre et inconsistant. ça va dans tous les sens, un coup répression, un coup alternative à l’incarcération… Très sarkozyste, quoi.

    @Thaïs

    je partage cet avis, là je parlais plus des réactions politiques, mais sur le constat je suis bien d’accord avec toi.

    @Manuel

    Ben… ça m’énervait donc voilà, j’ai voulu en parler, mai sje conçois que ça ne soit pas forcément passionnant pour tout le monde et je ne prétends pas qu’il s’agisse du meilleur billet que j’aie écrit 😉

  5. J’ai écrit beaucoup des billets que je juge futiles, donc je ne me permettrai pas de te juger, mais ce battage médiatique autour du papa, de l’attitude de la maman, ça me gonfle, c’est tout ce qui m’énerve dans nos médias. C’est la France TV qui fait du Paris Match.

  6. Lorsque j’ai moi-même accouché, j’étais à l’époque conjointe aidante à temps partiel d’un homme exerçant une activité indépendante. Et j’ai choisi de limiter au minimum mon repos d’accouchement. Enfin, choisi: non. Tout le monde ne peut pas se payer le luxe d’avoir un congé de maternité payé.
    Inutile de dire que si quiconque se serait permis de me faire la leçon quant à mes choix…les fâcheux en question auraient été plus que fraîchement reçus.
    Les gens sont décidément fort doués pour dire à autrui « faites ceci » et « ne faites pas cela ». Exactement l’espèce que je reconduis hors de mon cercle de fréquentations à coups de tatanes 😉

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  8. @manuel

    c’est ce que je dis, fichons lui la paix 😉
    Il n’y a rien de plus énervant que les donneurs de leçons féministes. Et les récupérations politiques de ce qui est totalement privé.

    @I.R.

    Hello!en effet, quand on s’oblige par nécessité, il est assez désagréable de se faire tancer de surcroît 😉

  9. Gwynfrid

    Je plussoie I.R. ! Le raisonnement soi-disant féministe marche complètement sur la tête. Imaginons que l’on pose, à un ministre nouvellement papa, des questions genre : « qui va s’occuper du bébé ? votre priorité, c’est votre carrière ou l’intérêt de votre enfant ? ». Tout le monde serait mort de rire, à moins que ce ne soit d’indignation.

    Les donneurs de leçons démontrent ainsi, au choix, une prodigieuse hypocrisie (tout est bon pour casser Rachida), ou bien un sexisme qui rappelle le bon vieux temps de Bismarck: « Kinder, Küche, Kirche ».

    Si on veut critiquer Rachida Dati, il suffit de parler de son action de Garde des Sceaux, il y a du matériau pour longtemps (allez voir chez Eolas par exemple). Mais non, on préfère les robes, les bagues, et les problèmes d’allaitement, c’est moins fatigant pour l’intellect.

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