Faire taire les manifestants sur le passage de Sa Majesté Sarkozy

stlo

Le préfet et le directeur départemental de la sécurité publique de la Manche

Nicolas Sarkozy assure donc avoir entendu les 1 à 2,5 millions de personnes qui ont défilé hier dans les rues de France pour manifester leur trop plein de mécontentement, à l’heure de la crise mondiale. Le président de la République, qui  s’oblige à « un devoir d’écoute, de dialogue » tout en répétant être habité par « une  grande détermination à agir », propose aux syndicats de les rencontrer en février pour examiner les réformes prévues pour 2009.

Dialogue social? Ne nous méprenons pas. Car au même instant, on apprend que le préfet (Jean Charbonniaud) et le directeur départemental de la Sécurité publique (Philippe Bourgade) de la Manche seront mutés pour avoir laissé, ô crime honteux, des manifestants se faire entendre lors de la visite présidentielle à St-Lô, le 12 janvier, pour une cérémonie des voeux aux enseignants décentralisée. Des pierres ont elles été lancées sur l’oint de Dieu? Le descendant des Bourbons a-t-il été entarté? Le président-monarque a-t-il fait l’objet de quolibets, des affrontements se sont-ils produits, sur son passage, entre manifestants et policiers?

Rien de tout cela. Qu’en dit le journal Le Monde?

« Qu’est-ce qui s’est passé de grave ? Pas grand chose, si ce n’est que le président a entendu les manifestants le siffler. Il aurait fallu plus d’effectifs pour les maintenir plus loin alors que les manifestants considéraient déjà les effectifs des forces de l’ordre comme de la « provocation », explique Philippe Bourgade, viré de son poste de DDSP. « Je n’ai pas à rougir de ce qui s’est passé », conclu le policier âgé de 59 ans, arrivé en septembre 2007 à Saint-Lô.

Il a entendu des manifestants – soigneusement écartés du parcours présidentiel – siffler. Cela ne lui a pas plu du tout. Une paire de chaussures, si on a bien compris, auraient également franchi le barrage policier pour s’écraser sur le bitume. Crime de lèse-présidence!

On comprend mieux, maintenant, pourquoi à Lille, l’an passé, quand Nicolas Sarkozy était venu présenter des voeux décentralisés aux corps constitués, les manifestants avaient été arrêtés et retenus au commissariat avant même l’arrivée du président. Place nette. Pas de manifestants, pas d’embêtements. On prétexte un contrôle d’identité et l’expression est baillonnée.

A l’époque, alors que des journalistes s’émouvaient de ce déni de droit, les policiers avaient répondu quelque chose comme ceci : « Bah, c’était pareil sous Chirac et Mitterrand ». Ces grands démocrates, qui se prennent pour des divas, et donnent des leçons de droits de l’homme à la Chine et la Russie, ne veulent pas entendre leurs opposants quand ils se déplacent. Ils veulent avoir l’horizon dégagé. Un bain de foule soigneusement préparé, avec les militants UMP du coin. Et zou. Le reportage des télés est emballé et pesé, sans parasites sonores.

Du coup, les grands commis de l’Etat font du zèle, et se débrouillent pour verrouiller toutes les vélléités d’opposition. Le grand tort du préfet et du DDSP de la Manche aura été, au final, de ne pas avoir été assez répressifs et de ne pas avoir devancé l’ire présidentielle. Comme quoi, 1789, c’est surtout des mots. Car le fait du prince est toujours là.

Le message aux policiers, en tout cas, est clair : matraquez, il en restera toujours quelque chose. Et pour commencer, cela pourra au moins vous servir à garder votre poste.

7 Commentaires

Classé dans Institutions

7 réponses à “Faire taire les manifestants sur le passage de Sa Majesté Sarkozy

  1. Un très beau billet. Y-a-t-il quelque chose à ajouter? Que sous leurs airs anodins, ces évolutions sont graves et doivent être inlassablement documentées.

  2. Pour , la tactique c’est: tout faire pour gagner du temps.

    Ecouter? Qui ça?

  3. Tiens ! Un blog gauchiste.

  4. @ Nicolas J : tiens, un con.

    Concernant le matraquage et les multiplications du fait du prince, je crois qu’il y en a un qui va déchanter cette année, et peut être plus vite qu’il ne le croit. On ne traite pas la France comme un vieux chiffon.

  5. Dis pas de gros mots…

  6. Le journalisme ne mourra que si les journalistes capitulent. J’en connais encore qui se battent. C’est dur, mais ça existe.

  7. Pingback: Je persisterai à ne pas voter Sarkozy « Pensées d’outre-politique

Un petit commentaire?