« Hashtable » fermé pendant trois jours pour une (sale) blague

Erreur 403, mon oeil!

Il y a un blog dont je raffole : « Hashtable ». Un espace fermé depuis 72 heures, sans préavis ni recours possible, par son hébergeur, Free. La raison invoquée semble être une simple blague de potache qui, ironie du sort, illustrait un billet contestant la pertinence des lois Hadopi et Loppsi. Des textes dénoncés par de nombreux blogueurs comme portant atteinte à la liberté d’expression sur le web, sous prétexte de sécurité et de protection de l’enfance des affreux-méchants-pédophiles-qui-menacent-la-ménagère-de-moins-de-cinquante-ans.

Ce blog est tenu par un libéral un brin désenchanté par le système, un kiwisien répondant au doux pseudo de h16. Si je ne partage pas tous les grincements de dents de notre pourfendeur-en-chef de la sottise politicienne, j’aime être remué par ses billets ravageurs, par ses « petites chroniques désabusées d’un pays en lente décomposition ». Et j’apprécie tout particulièrement l’aisance de sa plume, son humour détonnant et la sentence qui conclut fréquemment ses articles : « Ce pays est foutu ». J’ai donc tout naturellement proposé à H16 de lui ouvrir les colonnes de ce blog pour qu’il puisse raconter ce qui s’était passé. Il a accepté, et je lui laisse donc la plume. Vous pouvez aussi retrouver ce billet sur une copie provisoire d’Hashtable.

Les lecteurs réguliers de Hashtable auront noté que depuis vendredi 22/01, vers 10H, pouf, il n’y a plus d’abonné à l’URL que vous avez demandé (erreur 403, nous apprend Free). Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une erreur technique, mais bel et bien du résultat concret des lois « encadrant » la liberté d’expression en France.

Toute l’affaire a commencé le 27 novembre 2009. C’est à la fois relativement récent (deux mois) et, en terme de réactivité, assez long.

Dans un billet sur – ça ne s’invente pas – HADOPI et le filtrage du net, j’expliquais ainsi que la mise en place du filtrage proposé dans la LOPPSI aboutirait lentement mais sûrement à un petit enfer dictatorial où le moindre mot un peu en dehors des clous provoquerait l’ire de l’administration, ou, alternativement, le blocage du site.

Encore une fois, les intentions avec lesquelles se meuvent les politiciens sont toujours les meilleures : on veut officiellement empêcher Josette, une respectable mère de famille, de tomber dans les nasses du terrorisme international, de la pédopornographie ou que sais-je encore, lorsque celle-ci fait ses courses sur l’interweb.

Mais en y réfléchissant deux minutes, le billet en question montre que la probabilité de commencer un achat de chaussettes sur Internet et de finir en toute innocence sur des propositions scabreuses de boxeurs thaïlandais de 40 ans est extrêmement faible, pour ne pas dire inexistant.

Dans le cours de mon exposé, j’ai commis une erreur dramatique : j’ai mis en scène ma Josette. Je l’ai imaginée achetant des chaussettes sur un site au nom SMS tout à fait louche, et tomber sur des photos illégales.

Las. Le site existait vraiment, et malgré son nom ridicule, ne contenait pas de photos illégales. Juste des chaussettes.

Probablement à la suite d’une veille, les responsables de ce site se sont rendus compte, il y a quelques jours, qu’il était cité dans un billet. N’ayant probablement pas lu le contexte ou ne s’en souciant guère, ils en ont déduit que … je plaçais leur multinationale société dans une position infamante et les accusait peut-être de pédophilie.

Oh !

Argh !

Horreur et vilénie !

Nous sommes en France ; la courtoisie de base ayant depuis longtemps disparu, les plaignants se sont empressés non pas de me contacter, mais de mettre en demeure mon hébergeur, Free, de faire disparaître l’outrage.

Et c’est là que la loi française est très efficace, avant même d’avoir à s’imposer à tous.

Elle reconnaît en effet que, sur internet, la responsabilité des hébergeurs est aussi engagée lorsqu’ils laissent des écrits « illégaux ». Et Free réagit très vite sur ce  qui peut lui porter préjudice, même indirectement : fermeture du site (bannissement) pendant 72H, pour, je cite :

Propos déplacés envers <site qui vend des chaussettes avec un nom SMS ridicule>.

Notons que ce que j’ai écrit n’est en rien illégal. C’est de l’humour éventuellement pas drôle ou un peu gras, soit. C’est ambigu, admettons. Mais je n’ai enfreint que le bon goût dans cette pathétique micro-broutille. Et de surcroît, je n’avais fait aucun lien sur le site en question.

Or, et c’est là que ça devient intéressant, si les plaignants m’avaient simplement contactés directement – laisser un commentaire sur un blog prend certainement moins de temps que d’envoyer un courrier à Free – j’aurais bien vite supprimé le nom de la société en question, avec plates excuses et l’affaire était bouclée.

La méthode choisie provoque donc une fermeture de mon site pour 3 jours. Ce n’est pas la fin du monde mais ce qu’il y a de pénible, c’est qu’à la moindre remarque d’un tiers sur mon site, Free le fermera maintenant définitivement. Je vais donc devoir déplacer l’intégralité de mon blog et me faire héberger de façon un peu plus sérieuse. Soit.

Mais ceci veut dire aussi, très clairement, que n’importe qui, en France, peut faire fermer un site assez facilement sur une simple lettre à l’hébergeur, moyennant une mise en forme un peu formelle et la menace d’arriver aux tribunaux.

C’est d’autant plus vrai pour ceux qui sont hébergés sur les plateformes gratuites (et il y en a un paquet). Si je veux, je peux ainsi, assez facilement, faire fermer pour plus ou moins de temps, quelques blogs qui auraient l’heur de ne pas me plaire. La liberté d’expression, en France, est donc surtout valable tant qu’on ne dit que des platitudes qui n’embêtent personne, et, dans le cas contraire, tant que ces dernières ne s’en rendent pas compte. Une prime à l’hypocrisie ou la discrétion, si l’on veut…

Soyons précis : ici, je ne reproche pas à Free d’avoir agi de la sorte. Au niveau de l’hébergeur, il n’a aucune latitude juridique et un nombre conséquent de sites à gérer. Mais cette mésaventure est l’illustration parfaite de deux choses :

  • la société française est une société en train de se « judiciariser » à grands pas : comme il va bientôt exister une loi pour protéger tout, tout le monde et tout le temps, chaque petit incident, chaque petit mot de travers sera passible de poursuites et la voie judiciaire sera de plus en plus souvent choisie plutôt que le simple échange de bons procédés.
  • Internet, en France, va progressivement devenir impraticable pour y exprimer une opinion « hors-normes ». N’importe qui pouvait faire taire n’importe qui d’autre (et ceci étant d’autant plus vrai que le plaignant est puissant, évidemment), les échanges d’opinions vont tourner à, au mieux, des billets remplis d’allusions fines et d’ellipses vastes, ou au pire à des torrents de bière tiède et insipide dans laquelle de douillets lieux communs viendront faire des petits poutous aux poncifs les plus lisses.

Encore une fois, on a voulu trop bien faire, trop protéger les gens contre les petits bobos de la vie, les moqueries et l’humour ou la bêtise. On a trop voulu donner à l’état le soin de trancher pour ce qui relève, au final, de billevesées entre voisins de pallier.

En clair, l’Internet français des prochaines années promet d’être totalement anesthésié ou illisible parce que trop chiant ou trop cryptique. D’une certaine façon, le rêve sarkozien d’un contrôle total de ce média se met doucement en place, sans faire de bruit.

J’aimerai me tromper.

28 Commentaires

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28 réponses à “« Hashtable » fermé pendant trois jours pour une (sale) blague

  1. h16

    Merci Chafouin 🙂

  2. Tout mon soutien à H16. Il nous faut nous mobiliser tous contre ces bêtises législatives.

  3. Terrifiant ! je me demande si le comportement de Free n’a pas été contraire à la LCEN en plus.
    Ici le problème n’est pas cependant de sur-protéger les gens, mais de créer et entretenir des peurs : le vilain pédophile prêt à manger et violer vos enfants.

    Et Free est assez rapide dans le n’importe quoi:
    Dans le même genre : Free avait suspendu ma page perso, par ce que le seul truc que j’avais mis était mon CV au format PDF , pas de page HTML et il parait qu’il en faut

  4. Tout mon soutien à h16, je viens de me rendre compte en voulant m’y rendre qu’il était fermé 😦

    PS : Hop, une recherche Twitter et je me retrouve ici.

  5. Je complète mon commentaire ci-dessus pour h16 : C’est peut-être le moment de prendre un hébergement payant. Certes, ce n’est pas la garantie absolue de ne pas voir son blog fermé, mais tout de même.

  6. Ça me fait un peu penser à ce qui m’était arrivé sur Youtube : des vidéos supprimées (et pas désactivées ou autres) car elles « enfreignaient le droit d’auteur »… alors que lesdites vidéos en réalité étaient une démonstration d’un programme que j’avais fait.
    La raison de ladite suppression ? Tout simplement le fait que le nom était du genre « Twilight Sun » et que c’était la chasse aux vidéos comportant le mot Twilight…
    Youtube n’avait rien voulu entendre : suppression du contenu sans même s’en référer à moi ni regarder ma vidéo.

    Au final, sur Internet, et il suffit de regarder l’attitude de Google face à un contenu dupliqué, c’est la loi du plus fort qui prime.

    J’espère que ça va s’arranger pour ton blog -je précise que je ne le connais pas- et je pense, vu que tu étais chez Free, hébergeur terrible s’il en est, c’est un mal pour un bien 😉

    PS : Envoyer un mail à Free ne leur coûte rien, leurs mails sont préformatés et partent à toute allure (souvent sur l’adresse « abuse »). Par contre, ils ont dû se dire que tu n’accepterais peut-être pas si jamais ils te le demandaient et que ça leur coûterait donc plus d’efforts.

  7. cilia

    Z’ont pas le sens du commerce ces vendeurs de socquettes.
    A leur place, j’aurais profité de la maladresse pour imposer la publication d’un billet/droit de réponse, voire même co-rédigé par H16 lui-même pour la bonne dose d’humour, et hop, un pub gratuite auprès du lectorat d’Hashtable (et quel lectorat !).

    Mais, effectivement, il y a de quoi se poser des questions sur l’avenir de la liberté d’expression. Ce pays est f…..
    Revenez-nous vite H16 !

  8. Ah enfin on a réussi à faire fermer ce site séditieux tentant bien maladroitement de dénoncer par le biais d’un humour non approuvé l’esprit de réforme qui souffle sur ce pays.

    Bien fait !

  9. Barbara

    L’inacessibilité du site était donc bien due, comme je le supposais, à une réclamation. Merci au Chafouin de faire la lumière sur cette affaire.
    Si je comprends bien, défense de faire de la dérision sur une marque, sauf à être humoriste reconnu. Car je n’ai pas souvenance que Coluche ait été inquiété pour s’être moqué du slogan de la lessive qui lave plus blanc que blanc, ni Dany Boon poursuivi pour ses vacheries envers la Poste ou la Twingo.
    Le pire, c’est que c’est un procès d’intention puisque H16 ignorait que la marque existât réellement et pensait avoir inventé un nom évocateur et humoristique pour appuyer sa démonstration, qui ne concernait en rien la qualité des bas et chaussettes disponibles dans le commerce électronique.
    Sans doute les concepteurs du site, qui se pensaient très malins d’avoir trouvé ce nom, se sont-ils sentis très vexés.
    Cette dérive, puisqu’il suffisait de demander à H16 de modifier le nom dans son billet, est assez inquiétante en effet.
    Allons-nous devoir nous inspirer du système de survie soviétique, ainsi résumé : abstenez-vous de penser ; si vous ne pouvez éviter de penser, ne parlez pas ; si vous ne pouvez éviter de parler, n’écrivez pas ; si vous ne pouvez éviter d’écrire, ne signez pas ; si vous ne pouvez éviter de signer, rétractez-vous.

  10. @H16

    Mais de rien! Tu ferais pareil pour moi, non? 😉

    @Dagrouik

    Sur LCEN (loi sur l’économie numérique, pour ceux qui ne le savent pas, et qui je crois date de 2004) je ne peux pas te répondre 😉

    Le problème est que face à un « gros » , tu as le sentiment de ne rien pouvoir faire… C’est de l’arbitraire pur et simple, et ils le savent.

    Et en effet, comme tu dis, je ne vois pas qui on protège avec ça…

    @Cilia

    Comme on pourrait dire : « Il est chez Free, il a rien compris! » 😉

    @Barbara

    C’est inquiétant car on a tous à un moment l’occasion de faire du tort à quelqu’un, ou de dire du mal de quelqu’un. J’ai eu un moment un conflit avec une association de défense des animaux : s’ils avaient directement envoyé un courrier indigné à WordPress, m’auraient-ils suspendu? Il me semble que le recours à un juge est la moindre des choses pour des décisions aussi attentatoires à la liberté.

    @Frednetick

    Si seulement c’était pour ça!

  11. Gauche Révolutionnaire

    La disparition d’un site ultra libéral donc de la pensée unique actuellement à l’œuvre dans ce pays avec Nicolas Sarkozy mais aussi à travers le monde, n’aurait pas fait de mal de toute façon.

  12. Pingback: Tweets that mention « Hashtable  fermé pendant trois jours pour une (sale) blague « Pensées d’outre-politique -- Topsy.com

  13. Mais il y a vraiment des claques qui se perdent…

  14. Obi-Wan Kenobi

    Désolé, mais je n’arrive pas à partager l’indignation générale. Pour se faire une opinion, il manque, me semble-t-il, les termes du contrat qui lie h16 à Free.
    Et avant de crier au scandale, il faut peut-être remettre les choses à leur place.

    D’abord, avant l’avènement d’Internet, pour pouvoir transmettre ses idées, il fallait être publié avec de l’encre et du papier. Donc passer par un éditeur qui vous fournisse les moyens de cette liberté d’expression. Dans cette affaire, il me semble que Free, grâce à ses gros serveurs, joue le rôle de l’éditeur. Sa responsabilité est engagée. Et, de ce fait, on pourrait considérer qu’il ne publie que ce que bon lui semble. Etant journaliste, je peux vous dire que si j’écris un article qui disconviens à mon directeur de la publication, il ne sera pas publié. En d’autres termes : h16 devrait disposer de son propre serveur pour diffuser ses billets sans avoir à rendre de compte à Free.

    Ensuite, h16 se présente comme une victime de la législation à venir. C’est juridiquement impossible. Il n’est victime que du zèle de son éditeur. Je tiens à préciser que je partage son manque d’enthousiasme à l’idée de voir apparaître de nouvelles restrictions de la liberté d’expression. Je suis tout aussi désespéré de voir brandis systématiquement les épouvantails de la pédopornographie ou du terrorisme pour justifier des lois liberticides.

    Mais, et c’est mon dernier point, a-t-il été victime d’une sanction totalement disproportionnée ? On peut en douter. 72 heures de fermeture de site, c’est quand même pas la mort. Si on se place du point de vue de Free, c’est une réponse très raisonnable. Je suis hébergeur de milliers de site Web, je dois veiller à ce qu’aucun n’enfreignent les lois encadrant la liberté d’expression, on me signale qu’un site marchand serait accusé d’avoir des liens vers des sites pédophiles, je vérifie succintement, constate qu’effectivement le nom de la marque est citée. Alors pour faire cesser le trouble, je ferme préventivement le site et signale le motif de cette fermeture à son auteur. Lequel a le temps, en 72 heures, de remettre son texte d’aplomb. Où est le mal ?

    Allez, h16, avouez surtout que c’est pas de bol. A l’avenir, pensez à faire une vérification rapide avant d’inventer des noms de domaines ridicules.

    Et tout dernier mot à ceux qui seraient tentés de me pourrir : vous défendez la liberté d’expression, souffrez qu’il existe des opinions divergentes.

  15. Obi-Wan Kenobi

    @ Gauche Révolutionnaire :

    Vive la Pravda !

  16. @obiwan

    Je te repondrai point par point, plus tard car je suis indisponible une grande partie de la journée… Mais rassure toi: on ne se livre jamais, ici, a la flagellation des opinions dissidentes. 🙂

  17. Barbara

    Obiwan,
    je suis d’accord pour dire que 72h, ce n’est pas la mer à boire. Le problème, c’est que le délit est quand même mineur et qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais maintenant, au cas où il y aurait une autre vétille, H16 serait considéré comme récidiviste et son blog définitivement fermé. Donc ce n’est pas anodin.
    Je m’interroge d’ailleurs sur votre réflexion : »avant d’inventer des noms de domaine ridicules ». Est-ce que ce n’est pas de nature à porter préjudice à une entreprise de vente par internet ? Donc susceptible d’entraîner la fermeture du blog du Chafouin ?

  18. Obi-Wan Kenobi

    @ Chafouin :
    je sais bien, c’est bien pour cette raison que je traîne mes guêtres en ces lieux.

    @ Barbara :
    le nom de cette entreprise n’est jamais cité dans cet article, voilà qui limite les risques. Néanmoins, vous noterez que le Chafouin est le maître de ces lieux. S’il estime qu’il y a risque, il est libre de supprimer mon commentaire. Et je n’aurais pas à pleurer : on se retrouve, à un autre niveau, dans le même rapport de dépendance qu’entre h16 et Free.

    Quant à une éventuelle fermeture du blog d’h16 en cas de récidive, ce ne serait certes pas anodin, mais je n’y verrais toujours pas une atteinte irrémédiable à sa liberté d’expression. On reste dans une relation de services. Si Free ne désire plus fournir ses services à h16, rien n’empêchera h16 d’aller poster des billets ailleurs. Billets dans lesquels il pourrait raconter ses déboires, dénoncer la censure, dire que chez Free, ils ont rien compris, etc. C’est le sens de ma première réaction : il faut garder de la mesure. Sa mésaventure est certes regrettable, mais la sanction n’était pas totalement illégitime – il a involontairement mis en cause une marque – et pas totalement disproportionnée – qu’est-ce que 72 heures sur toute une vue ?

  19. @Barbara

    Mais il n’y a pas de délit! Quel délit? La fermeture est arbitraire, car je doute qu’elle corresponde à une clause du contrat qui lie H 16 à Free.

    @obiwan

    Alors parce qu’un service est fourni gratuitement, on doit se taire? Parce que 20minutes nosu file son machin sans rien en échange, on en peut pas exiger qu’ils respectent un minimum d’éthique?

    Je ne suis pas tellement d’accord avec ce raisonnement. Certes, la fermeture pour 72 heures n’est pas la fermeture définitive. Il vaut mieux se faire couper un bras que tuer. Et certes, H16 va pouvoir être hébergé ailleurs (et là, je crois qu’il va même s’héberger lui-même, pour finir, si j’ai bien compris). Donc en effet, il n’est pas question de déplorer uen absence totale de liberté d’expression.

    En revanche, il n’aurait pas coûté grand-chose à Free de vérifier la réalité de ce qui était reproché à H16 (i.e : peanuts). Et de l’autre côté, nos amis de chaussettes machin chose auraient également pu, dans un monde censé, envoyer un mail au dit H16 pour lui demander de ne pas citer leur nom.

    Ceci dit, je croix que H16 ne dit pas qu’il s’agit d’une application d’Hadopi. Il dit simplement que c’est une illustration du délire qui s’empare de notre société au sujet du web et des fantasmes sur la pédophilie.

    Je le répète : wordpress aurait-il pu aussi fermer mon site après avoir reçu un mail de menaces tel que celui que j’ai reçu, émanant d’un célèbre président de société de défense des animaux? Rien que le fait que désormais, je répugne à le citer, pour ne rien risquer, par prudence, est un afadissement de la pensée et de l’expression. Je pense que c’est le but recherché par certains, et les FAI ou hébergeurs ne devraient pas tomber dans le panneau.

    « Je suis hébergeur de milliers de site Web, je dois veiller à ce qu’aucun n’enfreignent les lois encadrant la liberté d’expression, on me signale qu’un site marchand serait accusé d’avoir des liens vers des sites pédophiles, je vérifie succintement, constate qu’effectivement le nom de la marque est citée. Alors pour faire cesser le trouble, je ferme préventivement le site et signale le motif de cette fermeture à son auteur. »

    Succincte, tu es gentil 😉 Et quel trouble? Il n’y a pas de trouble. A mon avis, un simple mail ou appel et h16 aurait enlevé la référence au chaussettes truc. La réponse est donc disproportionnée, car il y avait moyen de faire autrement. S’ils n’ont pas les moyens de faire autrement, alors pourquoi hébergent-ils des sites web?

  20. h16

    @obiwan : entendons-nous bien : je ne reproche pas à Free d’avoir agi de la sorte. J’ai une assez bonne idée du travail que peut représenter des hébergements de site, et la sanction en elle-même, pour automatique qu’elle soit, n’est pas absurde.

    Ce qui m’agace beaucoup plus, et c’est le fond du billet, rien d’autre, c’est le délire qui s’empare des uns et des autres qui vise à se plaindre en premier lieu à l’hébergeur dès lors qu’on a un problème parce que, précisément, on sait que celui-ci fera fermer le site sans même avoir besoin de recourir à la force de la loi.

    Vous êtes journaliste, vous comprendrez l’analogie suivante : imaginons que vous publiez vos articles dans Presse Machin. Parce que vous avez fait une blague discutable sur un truc dont vous ne soupçonniez pas l’existence, la société qui s’estime lésée se retourne vers l’imprimeur et lui demande de ne plus imprimer vos articles.

    Car ici, Free joue pour moi le rôle strict d’un producteur de contenant, pas de contenu (ce n’est donc pas, pour reprendre l’analogie, Presse Machin, mais bien l’imprimeur).

    Dans un monde normal, la société contacterai Presse Machin et un droit de réponse serait fourni. C’est d’ailleurs ce qui se passe IRL.

    Sur Internet, que nenni.

    Vous trouvez ça normal, c’est exactement le problème : en toute décontraction, on arrive à la plus pernicieuse des censure, celle que tout le monde s’auto-inflige ou se fait discrètement, et que personne ne peut, réellement, comptabiliser.

  21. Pingback: Hashtable » Censure et chaussettes sales

  22. Barbara

    @ Chafouin
    Oui, j’aurai du mettre délit entre guillemets. Ecrivant précipitamment, sans doute n’ai-je pas été assez claire. Il me semblait pourtant que la suite de mon commentaire expliquait ma pensée.

  23. Obi-Wan Kenobi

    @ Chafouin :
    La gratuité n’a rien à voir avec mon raisonnement. Je souligne juste qu’il y a un lien quasiment hiérarchique entre le blogueur et l’hébergeur. En gros, l’hébergeur est le patron de presse du blogueur. Qu’il soit excessivement prudent me paraît certes regrettable mais pas anormal (cf ce que peut vivre quotidiennement un journaliste avec sa rédaction en chef).

    Par contre, pour en venir à ta question finale, l’hébergeur ne raisonne pas en patron de presse. Il ne faut pas s’illusionner : si tout cela est gratuit, ce n’est pas par amour de la liberté d’expression, c’est pour saisir des parts de marché. Et, encore une fois, c’est regrettable, mais un hébergeur sera en général moins regardant sur le blog d’une adolescente montrant son nombril que sur le blog d’h16 mettant malencontreusement en cause une marque.

    @ h16 :
    Non, un hébergeur de site a une responsabilité plus importante qu’un imprimeur.
    Je n’ai pas dit que vous aviez tort sur le fond, j’ai simplement cherché à relativiser (j’aime bien ne pas être d’accord avec l’avis général dans une discussion).
    Si l’on prend un peu de recul par rapport à la mésaventure qui vous est arrivée, force est de constater que l’expression est plus libre aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Avant Internet, si vous n’étiez pas journaliste et que vous souhaitiez diffuser votre opinion, vous deviez nécessairement vous adresser à une rédaction et votre prose passait par le filtre d’un ou plusieurs journalistes (et je peux vous le dire, on utilise nos petits ciseaux de temps en temps).

    Enfin, il est amusant que les blogueurs distinguent Internet de la « real life » (c’est bien ça que veut dire IRL, non ?). Parce qu’Internet est dans la vie réelle. Les serveurs sont de vrais ordinateurs avec du plastique et des microprocesseurs. Billets et commentaires sont rédigés avec de vrais doigts en chair et en os reliés à un vrai corps et une vraie tête où se trouve un vrai cerveau (parfois, on peut en douter, mais bon ?). Et tout ça est soumis aux vraies lois d’IRL.

  24. h16

    Si l’hébergeur a une responsabilité plus importante, on comprend pourquoi il a le doigt sur la gâchette. Et ce surcroît de responsabilité est-il légitime ?

    Pour ce qui est de l’expression plus libre maintenant qu’aujourd’hui, vous faites erreur : elle est plus facile, mais certainement pas plus libre. Exemple typique : tenez les propos (sur un blog, par exemple) qu’un célèbre humoriste tenait il y a une grosse décennie : http://www.youtube.com/watch?v=NiFZvsiQMEk
    Vous allez vous faire lyncher.

    Enfin, la distinction IRL / internet que j’introduis est une simple facilité pour pointer l’étrange différence de traitement, 2P2M, entre la loi concernant un journal papier et un hébergement informatique. Dans le premier, liberté d’expression, patati, patata, et droit de réponse s’il y a des couinements. Sur Internet, pas besoin : on ferme (couic) et voilà. Ça prend 5 minutes.
    (Dernier exemple en date : les photos fuitées dans Entrevue de la Miss Paris, déboutée. Sur un blog de Free, la fermeture aurait été faite avant même d’aller au tribunal.)

    C’est d’ailleurs là que vous vous fourrâtes le doigt dans l’oeil en mélangeant liberté / facilité : il est beaucoup plus facile de s’exprimer, et aussi plus facile de la faire boucler à un opposant, mais non, la parole n’est pas plus libre.

    Désolé, je ne suis pas convaincu par vos arguments.

  25. Obi-Wan Kenobi

    @ h16 :
    la loi est la même, ça, c’est un élément indiscutable.

    Mais, vous avez raison, Free et Entrevue ne l’appréhendent pas de la même manière. Je pense avoir fourni une explication à cela : elle est économique. Entrevue se met volontairement hors la loi car sa rédaction en chef sait qu’elle a plus à gagner (en ventes) qu’à perdre (en dommages et intérêts). Alors que Free n’a rien à gagner à publier des billets qui l’exposeraient éventuellement à la justice, d’où son extrême frilosité.

    Je l’ai déjà dit plus haut : l’indépendance rédactionnelle a un prix. Vous voulez publier vos billets sans autre contrôle que les tribunaux devant lesquels les marques manquant d’humour pourraient vous traîner ? Hébergez-vous vous-même.

    Quant à l’évolution de la liberté d’expression, vous me dîtes que mes arguments ne vous ont pas convaincu et que je me fourre le doigt dans l’oeil. J’en suis bien désolé, même si votre raisonnement est un peu court. Je ne suis pas, pour ma part, nostalgique de l’ORTF.

  26. do

    en fait, il s’agit bien d’une atteinte à l’indépendance: qu’elle soit politique, économique, ou « prudentielle » (c’est à dire « très vite lâche » la plupart du temps).
    la peur d’avoir des retombées, quelles qu’elles soit, court-circuite la conscience: ça fait que des gens vont choisir de lâcher toutes les personnes indésirables.
    C’est là qu’il y a un biais. Et que ce biais est exactement le nerf de la guerre: les SS en France (non, pas de point de Godwin, c’est pas pour parler du pire des trucs, c’est juste que dans ce contexte, ça a été démontré, je sais pas où, désolée, c’est de mémoire) n’avaient que très peu d’hommes et de moyens, ils n’auraient jamais pu réaliser, normalement, ce qu’ils voulaient ; mais ce qui les a aidés, c’est la servilité d’un tas de petits fonctionnaires peu importants, qui ont chacun fait une toute petite partie du boulot, mais avec un peu plus de zèle que nécessaire, par peur d’être trouvés pas assez zélés: le carburant, c’était cette peur, très lourde, et généralisée. Le mécanisme est connu, rodé, et il marche à merveille.

    Je ne dis pas qu’on en soit là en France, ni même qu’on en arrivera là, mais que la peur peut faire faire aux opérateurs ou à d’autres acteurs le travail de censure que la classe politique ne pourra pas faire par elle même, même si ce travail est injuste: la liberté d’expression est donc effectivement menacée. Moi même, qui ne suis personne et qui n’écrit rien d’important, je redoute toujours que mes propos déplaisent à quelqu’un et qu’il puisse les utiliser contre moi de façon pénale: typiquement, énoncer un argument contre l’adoption homoparentale pourrait très bien être interprété comme des propos homophobes, et provoquer pour quelqu’un des poursuites pénales!
    ( adoption qui n’est même pas encore légalisée, et contre laquelle Jospin s’est élevé pendant 10 ans, avant de renoncer pour ne pas être en désaccord avec son parti (!) ) du coup, des gens qui pourraient être contre n’oseront pas participer au débat, et ceux qui oseront se feront peut-être censurer par leur hébergeur, du coup, il ne restera plus sur la toile que les gens qui y seront favorables, et cette loi finira par être adoptée même si une très forte majorité des français y est peut-être opposée, car elle sera réduite au silence à cause d’un risque, et sans jugement concret. Je le vois aujourd’hui pour ce débat qui ne porte pas sur des vies humaines, mais il en sera de même pour des débats plus graves. Avez vous vu la propension qu’ont tous les gouvernements à vouloir coopérer avec la Chine pour la sécurité d’internet? hier la France, Aujourd’hui les USA,
    ( http://www.tdg.ch/depeches/hi-tech/google-hillary-clinton-evoque-echange-positif-pekin ) demain, les autres…

    Mais en même temps, les hébergeurs ne sont pas service public, et leur éthique n’est actuellement neutre que par le plus pur des hasard, ça ne saurait durer, vu l’importance des communications! les journaux ne sont pas restés indépendants longtemps, la télé encore moins, on ne peut pas imaginer qu’internet puisse rester un lieu de liberté: la liberté de la populace est trop dangereuse pour ceux qui vivent à ses crochets.

  27. do

    (et désolée pour l’exemple que j’ai pris, je ne souhaite pas blesser quelqu’un, mais c’est typique de ces sujets où une partie des gens n’ose plus dire ce qu’elle en pense: ce n’est profitable à personne, même si forcément, les gens qui sont d’un avis contraire sont toujours contents il y a une censure: ça leur donne l’impression d’avoir raison; mais en réalité, ça crée plutôt une agressivité chez ceux qui ne peuvent plus s’exprimer et ça empêche de trouver des consensus qui respectent tout le monde, car il y en a souvent.)

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